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LA MAIN DU DIABLE
mercredi 1er mai 2002, par
Maurice TOURNEUR (1873-1961)
France, 1943
Pierre Fresnay, Pierre Palau, Noël Roquevert
Pour fuir la dure réalité de l’Occupation et éviter toute allusion directe à celle-ci, le cinéma français se réfugie dans le fantastique. Marcel Carné tourne Les visiteurs du soir (1942). Maurice Tourneur, l’un des rares cinéastes français à avoir construit sa carrière outre-atlantique, réalise cette Main du diable, histoire d’une malédiction.
Dans un village alpin isolé par une avalanche arrive Roland Brissot, acariâtre peintre chargé d’un étrange colis. A la faveur d’une coupure de courant le précieux colis disparaît et le peintre désespéré narre son histoire. Peintre sans talent reconnu, il achète à un aubergiste espagnol (un aubergiste est nécessairement espagnol, tout comme un coiffeur est italien) pour la modique somme d’un sou une main gauche, talisman conférant à son détenteur une dextérité senestre mais dont, s’il ne l’a pas revendu pour la moitié du prix payé avant sa mort, la détention entraînera sa damnation. Comblé par le succès, heureux en amour, il ne croît pas à cette fabuleuse histoire jusqu’à ce qu’un étrange petit homme au style notarial, se présente comme étant le diabolique propriétaire de la main venu évaluer sa marchandise. Bien qu’incapable de revendre la main - la moitié d’un sous n’étant plus usité dans une économie où les prix n’ont rien à envier à la défunte lire italienne - Brissot refuse l’offre diabolique de lui racheter la main contre le même sou symbolique. L’offre court toujours mais chaque jour le prix double. Rapidement, Brissot panique et se révèle incapable de réunir une somme de plus en plus faramineuse.
A partir d’une histoire en apparence classique au départ, pour tout amateur des frères Grimm, Maurice Tourneur réussit une œuvre originale tant par son scénario que par sa mise en scène. Ainsi, l’apparition de la chaîne humaine dont tous les membres ont passé la main permet de fournir une explication quant à l’origine du membre. Le plus réussi réside cependant dans l’incarnation du diable et son interprétation par Pierre Palau. Délaissant la vision satanique d’un diable au sourire naturellement diabolique et à la langue et la barbe pointues, Palau incarne un diable procédurier et gestionnaire ressemblant à un notaire ou à un percepteur, vision jouissive et quelque peu ironique.
Un film à voir dont la fin pour dramatique qu’elle soit, ne doit pas obérer la perception résignée de la nature humaine, entre convoitise et rédemption. Un film promis après la guerre à un succès international sous les titres The Devil’s Hand en Grande-Bretagne ou The Carneval of Sinners au Etats-Unis.