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Le codex du Sinaï
samedi 4 novembre 2006, par
Edward WHITTEMORE (1933-1995)
Etats-Unis, 1977, Sinai Tapestry
Edition : Robert Laffont, coll. "Ailleurs et Demain", 2005, pour la nouvelle édition française.
Qu’un lointain parent du fameux Wallenstein, devenu seigneur albanais découvre au fond d’une tombe, elle-même située au fond d’une crypte d’un monastère de Jérusalem, un texte plus ancien que la Bible mais qui en est clairement la source et toutes les convictions religieuses pourraient bien s’effondrer et la face du monde en être changée. Sauf si le dit Wallenstein décide de se livrer, au péril d’une santé mentale déjà fragile, au plus grand travail de faussaire jamais réalisé en écrivant la Bible la plus ancienne de l’humanité. Mais il n’est pas de secret bien gardé et la famille Plantagenêt Strongbow, vieille noblesse anglaise dont le dernier rejeton est en rupture de banc avec le puritanisme conservateur de la vieille angleterre victorienne, pourrait bien découvrir le premier texte. A moins que ce ne soit le fait d’un nationaliste irlandais arrivé à Jérusalem dans la robe d’une nonne en pélerinage.
Dans le Moyen Orient du XIX et de la première moitié du XXe siècle, les personnages hauts en couleur d’Edward Whittemore se croisent et interpellent le lecteur sous les yeux d’un vieil homme plus que centenaire qui ne sait plus qui il est, Egyptien ou Mésopotamien, Juif ou Arabe, si ce n’est un habitant de Jérusalem.
Roman truculent, original pour ne pas dire fou que ce Codex du Sinaï qui ouvre Le quatuor de Jérusalem. Tellement original qu’on chercherait en vain à le classer, car il n’y a pas de nom pour le genre auquel il appartient et qui compte pourtant de célèbres, si ce n’est prestigieux ou formidables, antécédents. Gérard Klein, lui-même, s’il cerne magnifiquement le genre dans sa préface au Codex, ne peut le baptiser mais range le roman de Whittemore aux côtés du Pendule de Foucault d’Eco, du Cryptonomicon de Stephenson, mais aussi, et c’est plus discutable à mon sens, des aventures d’Alice de Lewis Carroll. Pour reprendre les mots de Gérard Klein, ces romans recèlent tous "l’idée d’une autre réalité aux couleurs plus fortes que celles de la nôtre, d’une histoire secrète, voire d’un complot, en fait imaginaire ou objet d’une suspicion ironique" [1]. Bref, il s’agît d’histoire secrète, de celles qui fleurtent avec la paranoïa.
Dès lors on comprends mieux la raison de la publication en France presque 30 ans après sa première édition aux Etats-Unis, et il faut indubitablement, et bien que G. Klein ne l’évoque pas, rattacher l’événement au Da Vinci Code et à l’engouement pour ce genre d’histoire secrète qu’il a dû susciter. Que le lecteur se rassure, Le codex du Sinaï n’est pas la déjection littéraire qu’a produit Dan Brown, même si, en son temps, en 1977, il n’a pas rencontré le succès espéré. Assurément, les éditeurs et les auteurs dont les boutiques tournent sur les soi-disant mystères des Templiers, les Roses-Croix et autres sociétés secrètes ou les extra-terrestres, ont encore de beaux jours devant eux. Espérons seulement que leurs productions soient toujours aussi romanesques, intrigantes et cultivées que Le Codex.
[1] Le codex du Sinaï, p.10.