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LE SEPTIEME SCEAU
agnus dei
jeudi 1er janvier 2004, par
Ingmar BERGMAN (1918-2007)
Suède, 1957, Det Sjunde Inseglet
Gunnar Björnstand (Jöns), Bengt Ekerot (la mort), max von sydow (Antonius Block), Nils Poppe (Jof), Bibi Andersson (Mia)
Quand on entend le début du Septième sceau, le célèbre film d’Ingmar Bergman, " Et lorsque l’Agneau ouvrit le septième sceau, il y eut dans le ciel un silence d’environ une demi-heure ", il y a deux réactions possibles :
Vous ne comprenez rien à cette histoire de mouton qui soulève le couvercle d’un seau, même s’il est normal qu’une telle action de la part d’un animal provoque la stupeur silencieuse générale ; comme de toute façon aucun mouton n’apparaît à l’écran pas plus que de seau mais qu’au contraire vous voyez un type en cotte de mailles vautré sur une plage de galets attendant son partenaire aux échecs (un type sinistre soit dit en passant qui n’est pas sans vous LE rappeler). Bref, vous avez l’impression que le sot, c’est vous et vous choisissez de faire un saut sur une autre chaîne, dans un bar ou dans votre lit, ou même ailleurs, ce qui est beaucoup plus loin.
Autre possibilité, l’être cultivé qui sommeille profondément en vous a reconnu le début du 8e chapitre de L’Apocalypse de saint Jean et votre esprit s’agace des pérégrinations existentielles d’un chevalier suédois de retour de croisade poursuivi par la Mort avec LEQUEL il livre cette partie d’échecs dont dépend sa vie, dans une Suède ravagée par la peste et par des doutes non moins existentiels. En cette époque joyeuse, la chrétienté se sent abandonnée de Dieu et cherche à attirer son attention par ses fustigations ou des bûchers de signalisation alimentés par des sorcières. Certains Hommes doutent, d’autres volent voire tuent (ce qu’ils font d’ailleurs à toutes les autres époques mais là, ils ont semble-t-il une bonne raison...). Au milieu de ce paisible mais funèbre désordre, allégorie de la Sainte famille, un innocent couple de saltimbanques et leur enfant, dénués de toutes vilaines pensées, évolue tout à son bonheur que vient à peine interrompre les visions de danse macabre de Jof, le père, que Mia s’empresse de remettre dans le droit chemin de la joie.
Film métaphysique s’il en est, Le septième sceau est un film sceptique sur l’au-delà mais qui ne prétend apporter que le doute interrogatif et non une réponse que même LA MORT ne veut pas donner. Au terme du film, le visage éclairé de bonheur d’une femme alors que selon ses propres mots tout est consommé, laisse entrevoir l’idée que l’insupportable, c’est le doute ! Laissons à d’autres les interprétations psychanalytiques quant à l’enfance rigide qu’a pu avoir le réalisateur, fils d’un pasteur luthérien.
N’eut été la difficile coexistence d’une croisade (XIIIe siècle) avec une épidémie de peste en Suède (XIVe siècle) et le délicat problème de l’incroyance de l’écuyer Jöns, le film d’Ingmar Bergman pourrait faire figure de modèle historique. Il est tentant de dire que Le septième sceau, c’est Bosch mis sur pellicule sans avoir besoin de représenter les monstres de l’enfer : le jeu de lumière du noir des intérieurs, de la nuit et des sous-bois, et du blanc de la luminosité du ciel suédois suffit à remplacer les effets de manche de monstres de papier mâché, auxquels le cynique Jöns ne croit (aux monstres pas au papier mâché, encore que...) d’ailleurs pas plus qu’au anges. Situé dans un contexte mental similaire, le truculent Nom de la rose fait à côté figure de moyen-âge spaghetti.