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LA PLANETE DES SINGES

vendredi 18 août 2000, par Maestro

Franklin SCHAFFNER (1920-1989)

Etats-Unis, 1968, Planet of the Apes

Charlton Heston (Taylor), Roddy Mac Dowall (Cornélius), Kim Hunter (Zira), Maurice Evans (Zaïus), Linda Harrison (Nova)

Inspiré du roman éponyme de Pierre Boulle, La planète des singes est le premier opus d’une série de cinq films, mais il se suffit largement à lui-même. Sa mythique séquence finale l’a fait figurer au panthéon d’Hollywood (elle fut même parodiée dans La folle histoire de l’espace de Mel Brooks), mais les richesses qu’il récèle sont nombreuses, et dans l’ensemble, il supporte tout à fait le poids des ans.

Qu’est-ce qui fait donc la force de ce film ? Les personnages, bien sûr, et Taylor au premier chef. Capitaine de l’équipage terrien, il est cynique, fume le cigare, et ses répliques font la plupart du temps mouche ; mais il possède malgré tout un fond humaniste qui lui fait garder l’espoir de trouver dans l’univers une race meilleure que celle de l’homme, qui corresponde en fait à son idéal. Politiquement incorrect, il va même jusqu’à se moquer de son camarade Landon, prototype de l’Américain moyen, qui pousse son patriotisme jusqu’à planter un drapeau miniature des Etats-Unis sur le sol rocailleux de leur planète d’arrivée, une initiative saluée d’un grand éclat de rire de Taylor... Zira, la psychologue animale, et Cornélius l’archéologue, le couple de chimpanzés plein d’affection mutuelle, apportent générosité et compréhension, de par leur statut de scientifique. Quant au docteur Zaïus, l’orang-outang, il est obsédé par sa peur de l’émergence d’une humanité pensante qui incarne à ses yeux la violence exercée à l’égard de ses propres semblables (« sa sagesse va de pair avec sa folie »), ce qui fait de lui un être difficilement haïssable, car souhaitant la tranquilité de son peuple, et une forme de bonheur ; il trouvera d’ailleurs son pendant humain dans le personnage du gouverneur de La conquête de la planète des singes. Seul le personnage de Nova reste sous-exploitée, même si sa dépendance à l’égard de Taylor peut parfaitement se comprendre de par son quasi-statut d’animal domestique.

Mais c’est surtout dans le scénario que réside la principale originalité du film. Ce dernier, signé en particulier par Rod Serling, le créateur de la série télévisée La quatrième dimension, reprend un grand nombre d’éléments du roman : l’arrivée de l’équipage, la baignade et la chasse à l’homme, les expériences scientifiques de Zira, les fouilles et la découverte de vestiges archéologiques humains... Les premiers contacts entre les astronautes et les humains dégénérés évoquent d’ailleurs en partie les eloïs et les morlocks de Wells, avec des humains vivant de façon primitive et sans savoir parler, et des singes qui les chassent. Mais on dépasse ensuite assez vite cette dichotomie, et c’est là que le film apporte sa touche personnelle. La société simiesque, en plus d’être divisée en trois castes, semble stoppée à un niveau technologique correspondant en gros à notre Renaissance. Les singes vivent dans des villes de petite taille, possèdent des moyens de transport basés sur les chevaux, utilisent néanmoins des armes à feu, mais leurs progrès scientifiques restent limités par le poids du dogme, incarné par le législateur, les rouleaux sacrés qui compilent sa pensée et le docteur Zaïus, « ministre de la science et premier défenseur de la foi ». Reste une anomalie : comment se fait-il que les singes du film, même s’ils habitent sur l’ancien territoire américain, utilisent toujours la langue anglaise, sans déformation apparente, alors que l’on se situe en 3978 ?

L’humour n’est pas non plus absent du film, à travers certaines répliques du débonnaire Cornélius (lorsque Taylor rase sa barbe, « c’est bizarre... ça vous donne l’air moins intelligent »), ou comme dans la scène du procès de Taylor, lorsque les trois juges orang-outangs miment les singes qui refusent d’entendre, de voir et de parler ! Quant à la musique de Jerry Goldsmith, déconcertante de prime abord, elle s’intègre parfaitement bien à cette vision d’un univers post-apocalyptique, et ajoute encore au charme du film.

Le message distillé par le film est pluriel. La barbarie est universelle, aussi bien humaine que simiesque, comme en témoigne le traitement que les singes réservent aux humains (expérimentations sur le cerveau, récupération de cadavres pour les empailler et les exposer, ...), et l’allusion aux expériences menées sur les animaux de laboratoire est claire. De plus, l’histoire est cyclique, à travers elle se succèdent diverses espèces dominantes, mais qui reproduisent à bien des égards les mêmes caractéristiques. Enfin, la fraternité entre espèces différentes reste malgré tout une source d’espoir.

Bien sûr, certains aspects du film apparaissent fortement datés. L’esthétique intérieure du vaisseau terrien, tout d’abord, avec son tableau de bord qui évoque celui des fusées américaines de l’époque, et sa vision psychédélique de l’espace. Quelques points de la réalisation frisent également l’expérimentation, qui allait s’épanouir dans la décennie suivante, comme l’angle de prise de vue de Taylor dans son sarcophage d’hibernation juste avant le générique de début, légèrement déformé, ou certains plans filmés de façon inclinée. Mais surtout, la peur du nucléaire et de l’apocalypse atomique est typique de l’époque de guerre froide, réchauffée par l’affaire de Cuba puis la guerre du Vietnam. C’est l’arme atomique qui est responsable de la (seconde, après celle d’Adam !) chute de l’homme, et ses ravages sont matérialisés par l’existence de la zone interdite.

Un film qui demeure en tout cas indispensable à la culture cinématographique SF.

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