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SIGNES

Le champ du signe

samedi 26 octobre 2002, par Francesco, le mage Kélé, Maestro

M. Night SHYAMALAN (1970-)

Etats-Unis, 2002, Signs

Mel gibson, Joaquin Phoenix

Ce nouveau film du réalisateur de Sixième Sens et d’Incassable, encensé à un point tel qu’il en deviendrait presque un nouveau Spielberg, est une nouvelle incursion dans l’univers du fantastique et de la SF. Le personnage principal, Graham Hess, incarné par Mel Gibson, est un ancien pasteur, qui a perdu la foi avec la mort de sa femme lors d’un accident de voiture. Fermier, il se charge de ses deux enfants, Morgan, un garçon de dix ans à l’imagination et à la curiosité exacerbées, mais souffrant d’asthme, et Bo, petit bout de chou aux répliques savoureuses, reflet de l’innocence de l’enfance. Ce noyau familial est enrichi de Merril (Joaquin Phenix), qui est venu épauler son frère après le deuil dont il a été victime. Le petit groupe, dont on découvre en partie la vie quotidienne, se retrouve confronté à des incidents de plus en plus étranges, générateurs d’une véritable peur : sauvagerie nouvelle des chiens de la ferme, y compris à l’égard des enfants ; tracé de signes géométriques dans les champs de maïs ; bruits troublants interceptés par un interphone pour bébé ; présence énigmatique et insaississable à l’extérieur des bâtiments durant la nuit. Parallèlement, grâce à la télévision, les quatre assiégés découvrent que le monde entier est concerné par des problèmes similaires aux leurs, avec de surcroit l’apparition, au-dessus de toutes les grandes métropoles, de vaisseaux spatiaux, occupés par des extra-terrestres dont on réussit fugitivement à apercevoir l’apparence. Obligée de se barricader dans la cave de la ferme suite à l’offensive nocturne de ces visiteurs, la petite famille se retrouve confrontée dès le lendemain à la présence hostile d’une de ces entités étrangères. Finalement, l’extra-terrestre, qui menaçait de tuer , sera vaincu grâce à son point faible... l’eau, qui l’agresse comme un acide hautement corrosif !

Ce dernier point suffirait à qualifier ce film de ridicule (quid de la vapeur d’eau de l’atmosphère ?), mais il y a pire : ainsi, on apprend peu à peu que les signes tracés dans les cultures, à l’instar d’une certaine mythologie autour des signes du plateau de Nazca, doivent servir aux vaisseaux extra-terrestres pour se repérer, alors qu’ils ont probablement parcouru des milliers ou des millions d’années lumières à l’aide de leurs seuls artéfacts technologiques ! Plus généralement, la dimension d’hommage aux films d’invasions des années 50, revendiquée par le réalisateur, conduit à faire des envahisseurs de méchantes créatures, à la peau caméléon, et au look vraiment vilain, venues sur Terre pour faire leur récolte de chair fraiche, un traitement très classique, qui n’atteint même pas l’originalité d’un roman comme Génocides de Thomas Dish. Et bien que le suspens soit souvent bien maîtrisé, les touches d’humour agréables, cela ne suffit pas à rendre le film véritablement intéressant. En plus de certaines longueurs, on a droit à des passages parfois un peu lourd sur l’amour familial, et surtout à un message spirituel qui atteint la caricature. Si le personnage de Mel Gibson avait perdu la foi avec la mort injuste de son épouse, il la retrouve à la fin du film, grâce à la survie " miraculeuse " de son fils asthmatique. On se retrouve ainsi avec une sorte de recyclage du fameux pari de Pascal, sur l’intérêt d’adopter la foi plutôt que le doute permanent. Un message qui peut plaire à une bonne partie de la population des Etats-Unis, mais qui nous semble bien trop court et simpliste. Ne perdez pas votre temps, évitez ces signes, véritables montagnes accouchant d’une souris.

Francesco

Pas si vite. Ce n’est pas parce que Shyamalan est un très bon conteur visuel, qu’il ne faut plus trop s’intéresser à ce qu’il raconte. Parce que ça frise l’imposture, volontaire ou non. Déjà, dans Incassable, il transformait le monde réel, où un phénomène était apparu inopinément et tentait de s’adapter, en construction bipolaire où il n’y a finalement que supergentils et superméchants. Pour Signes, il repart d’un réel manifeste pour narrer l’invasion des extra-terrestres. Stop ! Tu as vu ça jouer où ? Un simple remake de La guerre des mondes (cité au cours du film pour faire celui qui sait qu’il marche sur les plantes-bandes d’un autre) ? Sûrement pas. Le véritable propos de Shyamalan est tellement gnangnan qu’on ne s’en aperçoit qu’après : les extra-terrestres ne sont qu’un prétexte énorme pour glisser quelques convictions sur l’existence de Dieu. Evidemment, il serait idiot de cracher sur ce mode narratif qui utilise la forêt pour cacher l’océan. Mais l’océan en question est suggéré de façon si lourde qu’on ne peut s’empêcher de prendre la défense de ce pauvre Dieu, réduit à bien peu de chose. Notre Hitchcock du pauvre a tout de même nettement simplifié le principe d’impénétrabilité des voies du Très-Haut. Comme s’il faisait exprès de tout écrire à l’avance. Comme si Shyamalan, scénariste-réalisateur, se prenait pour Dieu. Témoin cette scène bizarre où le réalisateur apparaît sous les traits d’un certain Murray. Le héros, son frère et ses enfants se retournent et disent : " C’est lui ! " ce n’est qu’après qu’on apprend le terrible passé de ce Murray, puis sa raison d’être dans le scénario. A garder et à conserver précieusement quand même, les scènes de stupéfaction devant la télévision lors de l’invasion. Elles font un écho troublant avec l’hypnose générale qui avait eu lieu dans toutes les salles de rédaction le 11 septembre 2001 (et ailleurs sans doute mais il se trouve que j’étais dans une salle de rédaction). Et se dire que les bêtes viendraient nous égorger dans nos propres campagnes qu’on ne s’en inquiéterait que par écran interposé fait froid dans le dos. A méditer.

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