STAR TREK, LE FILM

Robert WISE (1914-2005)

Etats-Unis, 1979, Star Trek : The Motion Pictures

William Shatner, Leonard Nimoy, DeForest Kelley

Faire une critique de Star Trek, c’est devoir combattre les nombreux clichés inhérents à la série, type " ah ouais, ils portent tous des pyjamas ". En fait, à travers ces neuf films (pour l’instant), la saga Star Trek a été capable de donner des œuvres tout à fait passionnantes, et aussi c’est vrai quelques déchets. Jetons d’abord un coup d’œil sur son évolution historique. C’est en 1966 que la série débute. Son approche " sérieuse " de la SF est alors très novatrice pour la télé américaine, et elle remporte un certain succès auprès des jeunes adultes. Mais les chiffres de l’audimat ne suivent pas et la série ne dure que trois saisons. Au fur et à mesure des rediffusions, la série connaît une popularité sans précédent. Evidement, l’idée de ressusciter la série trotte dans la tête de tous les décideurs concernés. Elle le sera partiellement dans un dessin animé. Puis plusieurs concepts sont tour à tour abandonnés. Mais la donne change avec le succès de Star Wars : la SF au cinéma et plus précisément le space opéra, ça rapporte. Autant ramener Star Trek sur le grand écran et ainsi profiter de sa grande popularité auprès du public américain. Pour mettre tous les atouts de son côté, la production se paye les services d’un réalisateur reconnu et ambitionne un scénario " intelligent ". Mais déjà les problèmes commencent à surgir à ce niveau. Roddenberry le créateur de la série ayant tendance à mettre des bâtons dans les roues des différents scénaristes, leurs scénarii n’étant pas tout à fait conforme à sa vision. Résultat, le scénario de ce premier Star Trek est un compromis. Et compromis rime hélas souvent avec bâclage. Jugez par vous-même.

Un gigantesque " nuage spatial " se dirige vers la Terre absorbant tout sur son passage, toute tentative de prise de contact aboutit à l’échec. Kirk, désormais amiral, profite de l’événement pour récupérer le commandement de l’Enterprise et avec tout son ancien équipage et quelques nouveaux éléments va tenter de prendre contact avec la menace en approche.

Voilà un scénario qui ne dépareillerait pas dans la série (il est d’ailleurs inspiré de l’épisode " Le korrigan "), mais pour en faire un film, il faut l’étoffer. Et là, pas de bol, l’échec est flagrant. La faute n’en incombe aucunement aux aspects techniques du film : les effets spéciaux sont sans fautes, la musique de Goldsmith parfaite. A ce niveau seuls les costumes sont discutables, faisant vraiment penser à des pyjamas. Non, le problème demeure le scénario et les coupes regrettables effectuées au montage. Ainsi, toutes les scènes d’action (et il n’y en avait pas énormément à la base) ont été évacuées et le métrage préfère s’attarder jusqu’à plus soif sur les effets spéciaux (l’Enterprise est détaillé sous toutes les coutures pendant une dizaine de minutes, ça fait un peu long tout de même, et le même traitement est réservé aux nuées de la menace fantôme [oups, je me gourre de film, là]) voire pendant plus longtemps encore), et les interactions entre les personnages qui n’amènent pas grand chose. Très vite, donc, le spectateur s’ennuie, qu’il soit un fan de Star Trek ou non.La déception est d’autant plus grande que certains moments parviennent à relancer l’intérêt (l’introduction avec les Klingons, les retrouvailles de l’équipage, la tentative de contact par Spock...), mais ils ont bien vite noyés dans un flot d’immobilité scénaristique ramenant à un ennui profond. Même la fin et la révélation de la nature de V’ger (le nuage en question), pourtant bien pensées, ne suffisent pas à enrayer la déception.

La déception est donc bien le sentiment qui l’emporte à la fin du film. Mélangée à de la colère car les quelques bonnes idées et les impressionnants moyens financiers mis en œuvre auraient pu accoucher d’une œuvre maîtresse de la SF plutôt que de ce mort-né. La saga Star Trek commence bien mal...

cf. la suite dans Star Trek II : la colère de Khan