Accueil > CINECSTASY > A > L’ATTAQUE DES CLONES
La guerre des étoiles, épisode II
L’ATTAQUE DES CLONES
jeudi 30 mai 2002, par , ,
George LUCAS (1944-)
Etats-Unis, 2002, Attack of the Clones
Hayden Christensen, Natalie Portman, Ewan McGregor, Samuel L. Jackson, Christopher Lee, Ian McDiarmid
Ce deuxième volet de la nouvelle trilogie de Lucas dans l’univers de Star Wars était très attendu, d’autant plus qu’à l’instar du Retour du Jedi en son temps, La menace fantôme avait été loin de faire l’unanimité, en dépit de ses indéniables qualités.. La majorité des avis parus jusqu’à présent insistent sur la grande valeur de cet épisode II. Pourtant, si globalement, le film reste fidèle à l’esprit Star Wars, il n’en présente pas moins un certain nombre de faiblesses qui empêchent de faire preuve d’un enthousiasme aveugle : qui aime bien châtie bien !
L’histoire de L’attaque des clones se situe dix ans après les événements de La menace fantôme. La République galactique connaît un accroissement de ses difficultés internes, avec la sécession de nombreux systèmes planétaires. Dans ce contexte troublé, la sénatrice Amidala doit faire face à des tentatives d’assassinat apparemment liées à son opposition à la création d’une armée pour la République. Elle va alors recevoir l’aide des jedis Obi-Wan Kenobi et Anakin Skywalker : tandis que le premier mènera son enquête pour découvrir les commanditaires de ce complot -une enquête qui le mènera de Kamino à Geonosis-, le second protègera Amidala, d’abord sur Naboo, puis sur Tatooine, avant que tous ne se retrouvent sur Geonosis, la planète sur laquelle se sont réunis les leaders séparatistes, dirigés par le Comte Dooku. On soulignera l’actualité de cette intrigue politique : quelles sont les limites de la démocratie concrète ? Comment réformer un système imparfait ? Quel rôle -à double tranchant- peut jouer la violence dans la préservation d’un idéal ? On commence nettement à comprendre de quelle manière l’Empire a réussi à s’ériger sur les décombres d’une République minée de l’intérieur, avec le double jeu du chancelier Palpatine... A cet égard, la scène de l’attribution des pleins pouvoirs par le Sénat, ou le plan de conclusion avec le départ des troupes de clones pour la guerre, sont particulièrement cruciaux et éloquents. Par ailleurs, le fait que les sécessionistes soient largement aidés par les détenteurs d’intérêts économiques et financiers constitue, plus encore que dans La menace fantôme, une dénonciation de l’ultra-libéralisme actuellement dominant, un moyen pour Lucas de politiser plus encore sa saga.
La dimension symbolique présente dans le film est toujours aussi riche que pour les précédents épisodes. Il faut en particulier saluer le grand travail effectué sur les couleurs, les décors (mentionnons entre autre la bibliothèque du temple jedi), les vaisseaux spatiaux (celui d’Amidala ou le voilier de Dooku, par exemple) et les sompteux costumes. La nuit sur Coruscant, les cieux chargés de Kamino (et même de Naboo à un moment), ou la luminosité crépusculaire de Geonosis, tout concoure à nous faire ressentir le déclin de la République et l’approche des drames qui vont ensanglanter cette fameuse galaxie très lointaine... Chacune de ces planètes incarne d’ailleurs, comme à l’accoutumée, un élément naturel : Kamino, la planète aquatique, est le berceau de la vie, une vie clonique, annonciatrice de bien des orages ; Geonosis, la planète rocheuse, à la technologie souterraine, est en quelque sorte le pendant de Coruscant, la partie de la modernité qui prépare la chute d’une civilisation, à l’instar des hauteurs et des bas-fonds de la Metropolis de Fritz Lang. Et bien sûr, nous avons toujours Tatooine, la planète désertique, qui met les émotions à nu avec une violence propre aux excès du climat aride, tandis que Naboo et ses décors paradisiaques incarne l’insouciance, la légèreté des sentiments amoureux...
A cet égard, certains pourraient penser que la juxtaposition de moments dramatiques et riches en adrénaline avec des passages plus " fleur bleue " offre un contraste maladroit. Or, c’est au contraire ce qui fait le lien entre l’épisode I, plus lumineux, léger, et le futur épisode III, le plus noir de tous. Qui plus est, cette romance, plus proche d’Autant en emporte le vent que de la réalité, représente cette idéalisation de l’amour que nous avons tous eu en tête dans notre jeunesse... C’est aussi un des rares éléments positifs dans l’intrigue du film, même si l’on sait à l’avance tout ce que cette relation secrète va engendrer comme drame (mais également comme germes pour l’avenir, Luke en particulier). Il reste que son exposition souffre de certaines maladresses et facilités, sur lesquelles nous reviendrons.
Le jeu des acteurs mérite également d’être salué. Si Hayden Christensen devra encore faire ses preuves avec l’épisode III, les autres personnages s’avèrent tout à fait convaincants. Natalie Portman incarne ainsi une Padmé Amidala pleine de caractère et de volonté (et oh combien sexy !), qui n’est pas la future mère de Leïa pour rien ! La scène où elle se défend avec ses chaines contre une des créatures de l’arêne ne peut-elle d’ailleurs pas être rapprochée de celle où Leïa étrangle Jabba avec les siennes ? Ewan McGregor est également doté de plus de charisme que dans le précédent opus, tout comme Samuel L. Jackson, auquel on s’attache réellement. Ce dernier, d’ailleurs, rayonne de noblesse, à l’égal de Christopher Lee, très posé et impressionnant (est-ce d’ailleurs un hasard si son personnage est un comte ?). De même, Yoda apparaît dans toute sa puissance de maitre jedi, et le combat final dans lequel il intervient évite le ridicule que l’on pouvait potentiellement craindre avec l’usage d’un sabre laser par un si petit personnage ! Citons encore R2D2 ou C3PO, vecteurs d’humour (surtout dans l’arêne), ou même des personnages extra-terrestres en images de synthèse particulièrement réussis, tel le chef des géonosiens, à la diction sans doute inspirée du dialecte de certaines tribus africaines.
Les influences culturelles et mythologiques se mêlent toujours en une sarabande enthousiasmante. Relevons principalement celles de l’Antiquité romaine, avec le combat dans l’arêne et les débats politiques évoquant les dictatures sous la République romaine, ainsi que celles de l’Asie. Comment ne pas voir, en effet, à travers ces apparitions de l’ordre jedi dans toute sa grandeur, son chant du cygne, le signe de son caractère dépassé : tels les samouraïs, les jedi se battent selon des rites et des codes traditionnels largement dépassés par les progrès technologiques... Comme eux, affaiblis par la pesanteur et la stagnation, ils sont condamnés à disparaître ou à évoluer en se liant à la technologie froide (symbolisée par la prothèse d’Anakin).
En dehors de passages d’un grand esthétisme (l’introduction avec Coruscant dans le brouillard, les scènes sur Tatooine, le final sur Geonosis), on se doit de souligner la pleine réussite de la plupart des scènes d’action : la deuxième tentative d’assassinat d’Amidala et la poursuite entre les immeubles de Coruscant (évocatrice d’American graffiti ou de Blade Runner) ; le combat spatial entre Jango Fett et Obi-Wan dans le champ d’astéroïdes de Geonosis ; la lutte d’Anakin et d’Amidala pour leur survie sur la chaîne de montage des droïds ; et surtout, le final étourdissant. Du combat dans l’arêne (certaines scènes avec Obi-Wan évoquant la lutte de L’homme qui rétrécit contre une araignée) à la bataille terrestre entre clones et droïdes, en passant par le combat des jedis, incontestablement un des moments les plus forts de la saga, on atteint là un summum. De même, la traditionnelle confrontation finale entre jedi adversaires et partisans du côté obscur est tout à fait enthousiasmante, les ultimes passes d’arme entre Anakin et Dooku, seulement éclairés par les lueurs de leurs sabres lasers, possédant un fort pouvoir émotionnel.
La richesse de ce film, permise par les effets spéciaux, est en effet plus intense que jamais, et si elle surcharge certains passages du métrage (le final, en particulier), c’est à l’image des tableaux les plus connus de Jérome Bosch. Souvenons-nous d’ailleurs que Lucas comparait le passage au numérique à la transition entre peinture de fresques et peinture à l’huile à l’époque de la Renaissance, justement... Et n’oublions pas non plus les clins d’œil aux fans de la saga, de la scène mettant Obi-Wan en valeur dans le bar de Coruscant (proche de la Cantina de l’épisode IV) à la discussion entre Palpatine et Anakin sur l’avenir de ce dernier, en passant par l’émouvante image de Boba Fett tenant le casque de son père ou Anakin et Amidala s’étreignant devant la ferme des Lars sur Tatooine (le profil d’Anakin évoquant celui de Dark Vador), sans oublier l’arme suprême élaborée par les Geonosiens...
On ne serait pas complet si l’on n’évoquait pas la splendide partition de John Williams, qui réutilise avec brio les thèmes traditionnels de Star Wars, en ajoutant même de nouveaux, parmi lesquels on signalera " Accross The Stars ", illustration de l’histoire d’amour entre Amidala et Anakin, une mélodie dominée par les violons, mais qui sait éviter toute lourdeur en instillant une réelle profondeur dramatique dans une musique a priori envoutante.
Alors, qu’est-ce qui nous empêche de conclure à une complète réussite de ce second opus ? Principalement la partie romantique du film. Il était bien sûr nécessaire de présenter l’idylle entre Anakin et Amidala, mais si au début du film, les dialogues échangés évitent la platitude (pendant le voyage vers Naboo, par exemple), ce n’est plus toujours le cas ensuite, comme en témoigne la scène pratiquement inutile du pique-nique au pied des chutes d’eau de Naboo, qui évoque plus La petite maison dans la prairie, et ne présente un réel intérêt que par la brève discussion autour du régime politique idéal... De même, le repas partagé sur un fond de ciel trop rosissant laisse sceptique. Plus généralement, l’impact émotionnel de certaines scènes du film perd de son potentiel suite à des choix de montage plutôt discutables. Ainsi, la scène du sauvetage de sa mère, cruciale pour l’évolution d’Anakin vers le côté obscur, souffre d’être amenée un peu trop rapidement, tout comme la déclaration d’amour d’Amidala au moment d’entrer dans l’arêne. Certaines scènes qui figuraient dans la novellisation de R.E. Salvatore (la nouvelle vie de Shmi, la visite aux parents d’Amidala, le jugement d’Anakin et Amidala sur Geonosis) auraient pu remplir ce rôle, tout comme le traitement différent dont aurait pu bénéficier le cauchemar que fait Anakin sur Naboo (malgré la difficulté, l’idée d’effectuer un parallèle avec la confrontation de Luke face à Vador sur Dagobah dans L’empire contre-attaque méritait peut-être d’être creusée). Le DVD devrait nous permettre de profiter de ces éventuelles scènes coupées.
Un autre reproche à faire à Lucas concerne sa tendance aux clichés. Les puristes y verront des références cinématographiques, les détracteurs, eux, critiqueront George qui s’enfonce dans un marécage de conformisme (la scène de la mort de la mère d’Anakin, le speeder au soleil couchant, ou encore la dynamique Amidala véritable Lara Croft dans l’aréne). De plus la qualité scénaristique ne peut malheureusement pas toujours sauver une réalisation un peu maladroite, et une direction d’acteur parfois un peu faiblarde (on notera la scène d’Amidala éjectée de son vaisseau et atterrissant sur une dune comme un exemple du pire que peut donner une Nathalie Portman mal dirigée - voir aussi les scènes coupées de l’Episode I).
Dernière ombre au tableau, le doublage français qui n’est vraiment pas à la hauteur des prestations originales (en particulier pour Ani et Obi). On se prépare désormais avec intérêt pour le troisième et ultime épisode de la saga, qui devrait nous permettre de porter un regard plus serein et complet sur cette prélogie de Star Wars, et nous apporter la réponse à des questions qui demeurent en suspens : comment les jedi ne sont-ils pas parvenu à identifier la menace majeure qu’incarne Palpatine ? Pourquoi certains jedi bénéficient-ils d’une projection spirituelle après leur mort physique ? Quel(s) élément(s) supplémentaire(s) vont amener Anakin à passer définitivement du côté obscur ? Par quel biais l’ordre jedi tout entier va-t-il être amené à disparaître ? De quelle manière Amidala va-t-elle réagir à cette évolution de celui qui est devenu son époux, et pourquoi l’amour qu’elle lui porte ne suffira pas à éviter sa chute ? Cet ultime dénouement de la saga, probablement le plus sombre de tous les épisodes, porte nos espoirs de voir une conclusion magistrale être donnée à cette référence du space-opéra cinématographique !