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La grande peur de 1989

jeudi 26 juillet 2001, par Maestro

Max GALLO (1932-)

France

Marabout, 1970

Voilà une curiosité tout à fait intéressante. On savait Max Gallo prolifique, mais avant de devenir le romancier à succès que l’on sait (sans que cela ne préjuge d’ailleurs d’un éventuel talent littéraire), qui se souvient de cette anticipation politique post-soixante-huitarde, sorte de réflexion d’une petite-bourgeoisie effrayée de la montée en puissance du " gauchisme ", plus précisément de sa version maoïste ? Postulant la persistance d’un esprit de révolution mondiale chez les dirigeants chinois (et faisant ainsi bien peu de cas des exigences " réalistes " de la diplomatie internationale !), Max Gallo imagine la création par le PC chinois d’une nouvelle Internationale en 1977, l’ICR (Internationale des communistes révolutionnaires), et sa décision, en janvier 1989, de déclencher une vaste offensive terroriste en plein cœur des Etats-Unis, à l’aide d’armes atomiques miniatures. Il faut également préciser que le bloc " socialiste " s’était alors agrandi, incluant une partie des Etats de l’Ouest africain, ainsi que le Pérou (quid de la volonté d’endiguement des Etats-Unis ?) ; la division entre la Chine et ses partisans d’un côté, l’URSS et les démocraties populaires de l’autre, persistait néanmoins, le PCUS ayant à cette époque une direction néo-khrouchtchevienne (en place après l’échec d’un putsch des conservateurs en 1979 qui préfigure celui de 1991 dans notre réalité).

Après une brève chronologie, c’est à travers les yeux de deux délégués maoïstes d’Europe occidentale que nous découvrons ces réalités. Convoqués à Pékin pour une réunion exceptionnelle de l’ICR, ils se laissent envahir par le doute et la critique (avec à cette occasion un certain nombre de clichés sur la mentalité chinoise) ; seule l’une d’entre-eux, Anne, parvient à repartir, Marco se retrouvant en camp de rééducation. Une fois qu’elle aura réussi à informer les dirigeants soviétiques de ce qui se prépare, la suite du roman alternera entre les discussions des grands de ce monde (dirigeants soviétiques, américains, et même le pape Jean XXIV) et ce que devient Anne, qui avec son nouveau complice tente d’empêcher une frappe atomique préventive conjointe des Etats-Unis et de l’URSS sur la Chine, ancêtre du " devoir d’ingérence " des grandes puissances occidentales actuelles. La présence de nombreuses dépêches d’agences de presse procure en outre un indéniable sentiment de réalisme.

On peut à juste titre critiquer cet essai d’anticipation de Max Gallo, même s’il c’est évidemment très facile au regard de l’histoire réelle. Ne pas imaginer de reflux du maoïsme relève tout de même d’une vision à courte vue, de même que présenter la Moscou de 1989 comme une mégapole de 18 millions d’habitants particulièrement moderne (gratte-ciels, voies de circulation souterraines, hélicoptères pour atténuer le trafic routier), sans que le système économique sclérosé n’ait évolué. La poursuite de la croissance démographique dans le tiers-monde (la Chine atteint 1 milliard d’habitants en 1989) et du progrès technologique s’est au contraire vue confirmer, bien que les inventions imaginées (une nouvelle génération de Concorde moins élitiste, des appareils capables de dissoudre le brouillard sur les aéroports, etc...) n’aient pas encore vues le jour.

Mais surtout, Max Gallo a bien imaginé le développement du terrorisme révolutionnaire, qui, s’il est resté circonscrit à quelques pays européens dans les années 70 surtout (Fraction Armée Rouge, Brigades Rouges), s’est également diffusé dans le tiers-monde (Sentier lumineux maoïste au Pérou, justement), et connaîtra probablement un nouvel essor avec la marche en avant aveugle de la mondialisation. A cet égard, la condamnation de Max Gallo du terrorisme (comme de l’action militaire massive des grandes puissances, d’ailleurs) ne tient pas compte des ravages du capitalisme, qui ne sont pas évoqués dans ce roman. De plus, la fin de l’intrigue fait preuve d’un angélisme particulièrement naïf, incarné dans la figure du pape, et la réconciliation entre dirigeants qui s’ensuit, avec ses promesses de partage équitable des richesses, fait prévaloir les bons sentiments sur la logique d’un système économique et d’une classe sociale qui en tire profit. Est-ce un hasard, les masses populaires n’apparaissent qu’en toile de fond, et la morale du roman semble être de dire : laissez faire les dirigeants du monde, il s’en trouvera toujours parmi eux pour changer pacifiquement les choses ! On attend toujours...

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