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La seconde invasion des Martiens
dimanche 15 juin 2003, par
Arkadi (1925-1991) et Boris STROUGATSKI (1933-2012)
U.R.S.S., 1967, Vtoroe nachestvie marsian
L’esprit des péninsules, 2002, 136 p.
Douze ans après la chute de l’URSS, la SF soviétique reste encore en partie inexplorée, en dehors de certaines traductions datant pour l’essentiel des années 70. La preuve ? Même des auteurs reconnus, comme Ivan Efremov (La nébuleuse Andromède) ou les frères Strougatski (Il est difficile d’être un dieu), ont encore certains de leurs textes qui demeurent inédits. Il en est ainsi de La seconde invasion des Martiens, traduit seulement cette année. Si son titre est une allusion transparente au classique de Wells, La guerre des mondes, le seul véritable point commun que l’on peut trouver entre les deux réside dans la structure narrative, l’histoire reposant dans les deux cas sur un narrateur, petit bourgeois lambda (ici, un professeur d’astronomie du secondaire à la retraite), qui décrit les événements au jour le jour. Le roman des frères Strougatski ne se déroule cependant pas en Angleterre, mais probablement en Grèce, vu les noms qui apparaissent (et ce en dépit du fait que le pays n’est jamais directement nommé). D’autre part, les Martiens, dont l’apparence reste globalement mystérieuse, ne tentent pas une entrée en force sur notre Terre.
Au contraire, l’invasion en question est ici bien plus subtile, sans pour autant relever de la conspiration à la X Files. Les Martiens proposent en effet aux agriculteurs terriens des semences d’un type nouveau (donnant du blé bleu), contre le remboursement de leur récolte initialement prévue, et à tous les habitants, des prélèvements réguliers de suc gastrique en échange d’un dédomagement financier. S’ensuit alors le développement de multiples rumeurs, colportées par les résidents du petit village au centre du roman, qui n’aboutissent en fait qu’à une seule chose : l’immobilisme et une tranquille acceptation du fait accompli. La résistance de certains Terriens à cette invasion en douceur ne fait pas long feu, et surtout, ne rencontre quasiment pas de soutien dans la population. Le message d’Arkadi et Boris Strougatski est clair : la satisfaction égoïste de nos intérêts matériels prime sur le désir de nous gouverner nous-mêmes. Et si l’on peut estimer que dans cette critique, la société de consommation occidentale est particulièrement visée, nul doute que les deux frères avaient aussi en tête leur propre pays lorsqu’ils rédigeaient ce bref conte, au style volontairement terre-à-terre. On peut même y déceler une dénonciation des ravages écologiques, par le biais du blé bleu, au profit d’intérêts purement économiques. Un regard particulièrement pessimiste sur les finalités des grandes masses humaines !