L’homme élastique

Auteur : Jacques SPITZ (1896-1963)

Pays : France, 1938

Editeur : Marabout, 1974

Avec La guerre des mouches et L’œil du purgatoire, L’homme élastique fait partie des chefs d’œuvre de Jacques Spitz, un des maîtres de la SF française de l’entre-deux guerres. Dans ce court roman, le docteur Flohr, personnage hautement misanthrope -ce qui donne du sel à toute la première partie de l’histoire-, se lance dans une série d’expériences ayant pour objet la maîtrise de la matière. Il parvient finalement à agrandir ou à diminuer les êtres vivants de son choix, sans pour autant leur faire perdre leur masse moléculaire. Mais insatisfait de ses premières expériences nécessairement limitées, dont le plus haut titre de gloire reste la croissance d’un nain de cirque, Flohr fait finalement appel à l’armée, alors en pleine guerre avec l’Allemagne. Celle-ci voit tout de suite l’intérêt à tirer de soldats rétrécis, susceptibles de s’introduire à travers les lignes ennemies pour les désorganiser. Très vite, l’invention fantastique déborde ces frontières restreintes, et toutes les sociétés s’en trouvent peu à peu révolutionnées, et avec elles leurs morales, leurs lois et leurs hiérarchies...

Les conséquences de ce bouleversement sont principalement vues, dans la seconde moitié du roman, par les yeux de la fille du docteur Flohr, un changement narratif guère convaincant. Ces multiples manipulations de la taille finissent par marginaliser tous ceux qui se sont refusés à y faire appel, parmi lesquels l’inventeur lui-même ; ces survivants du passé vont alors se retrouver parqués dans une véritable réserve, laissant la place à une nouvelle étape de l’évolution humaine. Au-delà de certains aspects vieillis (les considérations sur la guerre entre la France et l’Allemagne en particulier), le talent de Jacques Spitz et son humour pince-sans-rire rendent ce roman tout à fait passionnant, et en font d’une certaine manière le prédécesseur de certaines histoires de mutants de l’après-guerre. Le pendant de La guerre des mouches, en plus optimiste, un classique à redécouvrir...