Cartographie du merveilleux

André-François RUAUD (1963-)

France, 2001

Gallimard, coll. Folio S.F.

Après le guide de Francis Valéry, Passeport pour les étoiles, consacré à la SF proprement dite, et qui avait été loin de faire l’unanimité, la nouvelle collection Folio SF, décidement très dynamique, décide de consacrer un ouvrage entier afin d’y voir plus clair dans le domaine en plein essor de la fantasy. C’est André-François Ruaud, surtout connu pour être le fondateur de la revue de SF Yellow Submarine, qui a été chargé de cette tâche oh combien difficile !

Après un bref essai de définition -un terrain toujours glissant et contestable-, Ruaud s’attaque à l’histoire de la littérature de fantasy, dont il fait remonter les origines aux mythes et légendes des diverses civilisations, de l’Antiquité et du Moyen-Age, parmi lesquels l’indémodable légende arthurienne. Viennent ensuite les contes de fées, apparus à l’époque moderne, puis le développement de la fantasy anglaise tout au long du XIXème siècle. Tout cet exposé est bien sûr fort intéressant, mais manque d’explication : quid de l’utilité, du sens profond de toutes ces histoires pour les peuples et les lecteurs qui en font partie ? Quel rapport entre le contexte historique et la vitalité de la fantasy britannique pendant le siècle de la Révolution industrielle ? Sans doute peut-on y voir une réaction contre ces progrès et bouleversements sociaux sans précédent, un regret affiché pour un passé idéalisé, à l’instar du romantisme, mais on aurait aimé bénéficier d’éclairages historiques de ce type durant tout cet historique de la littérature de fantasy.

Puis, au XXème siècle, ce sont les Etats-Unis qui prennent le relais, avant que l’Angleterre ne se réveille dans l’entre-deux guerres, et qu’à la suite du fameux Seigneur des Anneaux, écrit en 1954-1955, la fantasy connaisse une véritable explosion, avec une impressionnante diversification des genres (dans lesquels Ruaud place le steampunk, pour lui à la frontière entre SF et fantasy). Suit ensuite un copieux guide de lecture, composé d’une centaine de titres, avec bref résumé de l’œuvre et avis de l’auteur. Là encore, la démarche est fort intéressante, quoi que l’on puisse penser des préférences de l’auteur (nettement plus large dans ses choix que Francis Valéry, en tout cas) ; ainsi, pourquoi ne pas avoir cité le cycle de Majipoor, de Robert Silverberg, qui mêle SF et fantasy ?

Mais il n’est pas sûr que le classement par ordre alphabétique d’auteurs ait été la meilleure approche : pourquoi ne pas avoir essayé de classer les ouvrages en fonction de leur importance et de leur évolution, dans un souci plus didactique : commencer par les grands classiques, puis voir ce qu’ils ont engendré de plus original au fur et à mesure du temps, éventuellement sous forme d’un organigramme. On regrettera également le fait que nombre de titres intéressants ne soient pas encore traduits en français. En l’état, Cartographie du merveileux est néanmoins un utile guide pour aborder le genre sans doute sous-estimé de la fantasy, en allant au-delà de certains clichés et poncifs du genre, en attendant une étude plus complète sur son histoire et ses thématiques...