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Dernier vaisseau pour l’enfer
dimanche 8 septembre 2002, par
Auteur : John BOYD (1919-)
Pays : Etats-Unis, 1968, The Last Starship from Earth
Editeur : Denoël, collection Présence du Futur, 1971
Premier roman de John Boyd, ce Dernier vaisseau pour l’enfer apparaît comme particulièrement marqué par son époque de rédaction. Il met en effet en scène une société alternative, totalitaire, dirigée par une Eglise catholique hégémonique, avec l’aide des sociologues, psychologues, mathématiciens et autres spécialistes universitaires. On perçoit déjà la dimension subversive de ce livre, né dans un contexte de contestation étudiante à Berkeley, avec cette dénonciation des mandarins et de l’opium religieux... La population est donc " rationnellement " répartie en classes différentes, prolétaires pour les plus nombreux, spécialistes intellectuels pour les plus favorisés, avec des règles eugéniques strictes qui proscrivent tout mélange entre catégories. La racine de cette dystopie, il faut aller la chercher au Ier siècle, avec un Jésus Christ qui n’a pas été crucifié à 33 ans, mais à 70 ans, ce qui a permis à la religion chrétienne de s’implanter avec plus de profondeur. On peut bien sûr douter de la pertinence de cette déviation uchronique, mais l’idée essentielle reste la critique sans concession des religieux et autres experts qui confisquent le pouvoir aux masses, abrutissent et aliènent ces dernières, jusqu’à contrôler leur sexualité.
Le récit se focalise sur deux étudiants, Haldane, apprenti mathématicien extrêmement doué, et Helix, jeune et séduisante poétesse, qui, tout en découvrant les censures exercées sur l’histoire par l’Etat -en particulier autour de la figure de Fairweather, mathématicien et théologien de génie, héros national-, vont tomber amoureux, se plaçant ainsi en porte-à-faux avec les lois sociales, dans une situation qui rappelle un peu celle de 1984, l’humour du ton en plus. Ils finiront emprisonnés, jugés, puis exilés sur Enfer, une planète glaciale qui sert d’exutoire à la société terrestre. Cette colonie pénitentiaire, qui peut faire penser à la Sibérie tsariste, est une démocratie aux contours assez flous, mais qui préconise une morale sexuelle particulièrement libre, en permettant aux couples mariés d’avoir aventures et enfants à foison en-dehors du mariage. Son objectif sera bien sûr la destruction de la dictature théocratique existante sur Terre. Cocasse et décalé, ce roman se lit bien, et sans être inoubliable, se révèle divertissant et délicieusement contestataire, empli d’un esprit soixante-huitard juvénile.