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La cité du soleil et autres récits héliotropes
lundi 24 novembre 2003, par
Ugo BELLAGAMBA (1971-)
France, 2003
Le Belial’, 288 p.
Ugo Bellagamba s’était peu à peu fait remarquer des amateurs de SF, d’abord sous le pseudonyme de Michael Rheyss, dans le volume inaugural d’un éphèmère périodique de Denoël Aventures Lointaines, puis en écrivant L’école des assassins en collaboration avec Thomas Day (qui signe d’ailleurs la préface de La Cité du Soleil). Voici donc sa première publication sous son vrai et seul nom, qui rassemble trois longues nouvelles. Le fil rouge de ces textes est la quête de connaissances, les risques qu’elle peut présenter et la promesse d’émancipation et de libération qu’elle porte en elle.
" La Cité du Soleil " suit ainsi le parcours de Laura Firpo, jeune universitaire qui, de retour en Provence après un séjour en Amérique latine, découvre que son amant, Paul, a disparu. A travers une véritable enquête de détective évocatrice des énigmes du Nom de la Rose, qui tourne autour de l’utopie de Tommaso Campanella, justement nommée La Cité du Soleil, elle tente de retrouver la trace de Paul, parti à la recherche de cette utopie devenue son sujet de thèse et qui le fascine jusqu’à l’obsession, au point de croire en sa réalisation concrète... Bien que le dénouement manque d’originalité, on se laisse facilement prendre à ce voyage initiatique fort bien mis en scène, et qui témoigne de l’érudition historique de Ugo Bellagamba. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard lorsque l’on sait que son mémoire de DEA en droit portait sur " La Cité du Soleil de Tommaso Campanella " ! " La Cité du Soleil ", ou l’éloge de la force de l’idéal, capable de concrétiser les rêves.
La seconde nouvelle est la seule à ne pas être inédite, puisqu’il s’agit de " L’Apopis républicain ", initialement publié dans Aventures Lointaines. Il s’agit d’une uchronie très originale, dans laquelle Napoléon Ier a réussi à dominer le monde, et où son intérêt pour l’Egypte antique lui a servi à affermir les bases de son régime. Quant à l’intrigue proprement dite, elle se situe à un moment charnière, deux siècles après l’accession au pouvoir du premier Napoléon ; une révolution républicaine est sur le point d’éclater, avec la Franc-Maçonnerie comme chef des opérations, tandis que l’Aiglon se rend avec une expédition complète sur Titan, où doit se trouver un artéfact laissé par les extra-terrestres qui ont autrefois inspiré la culture égyptienne... Difficile de résumer ce texte passionnant, sérieusement documenté, d’un grand pouvoir visuel, et qui se dévore d’une traite. Signalons tout de même qu’au-delà de son caractère épique et de son imaginaire bariolé, " L’Apopis républicain " pose la question de la connaissance et de son possible dévoiement par une utilisation partisane... Une rencontre improbable entre Stargate et Arthur C. Clarke, une nouvelle véritablement remarquable.
Quant au troisième récit du recueil, " Dernier filament pour Andromède ", il évoque justement ce dernier auteur, ou Olaf Stapledon et son Créateur d’étoiles, de par l’ampleur de son sujet. L’action se passe en effet dans un lointain avenir, alors que les espèces organiques comme la nôtre ont laissé la place, au sein de la galaxie, à des formes de vie constituées de pure énergie. Le néant emporte pourtant peu à peu la Voie lactée vers la ruine, et l’espèce la plus puissante, celle des Archontes, décide de se résigner à cette disparition. Pourtant, le représentant d’une race mineure, les Hu, animé d’une insatiable soif de connaissances, refuse cet anéantissement programmé. Porté par le sacrifice de ses congénères, gardiens de la Mnémothèque, la mémoire des civilisations de la galaxie, il va entreprendre un long voyage dans l’inconnu, afin de faire éclore une nouvelle vie organique dans l’univers. Mêlant poésie et hard-science, en particulier à travers la notion de corde cosmique, cette ultime nouvelle, éloge de la liberté contre la soumission, peut également être vue comme le rejet de l’hégémonie d’une seule puissance, qui conduit le monde au désastre, au profit de l’épanouissement de civilisations qui se seraient réappropriées leurs mémoires. Un recueil qui place tout simplement Ugo Bellagamba parmi les valeurs montantes reconnues de la SF française.