Accueil > TGBSF > P- > Le prophète des sables
Le prophète des sables
lundi 2 avril 2001, par
Frank HERBERT (1920-1986)
Etats-Unis, 1952-1973
Pocket, 1989, coll. "Le grand temple de la science-fiction"
Réédition du livre de la collection le Livre d’or de la S.F. paru en 1978, Le prophète des sables réunit 12 nouvelles écrites par Frank Herbert entre 1952 et 1973, précédées d’une savante préface issue de la 1ère édition dans laquelle Gérard Klein se livre à une profonde analyse de l’œuvre du créateur de Dune et suivies d’une bibliographie exhaustive des écrits science-fictifs de l’auteur. Sur des thèmes de S.F. aussi divers et classiques que le premier contact avec des extra-terrestres, la colonisation d’une planète, le voyage temporel, la folie et la réalité, Frank Herbert offre aux lecteurs ses visions originales mais qui partagent une perspective commune, celle du lien étroit unissant l’individu à la communauté, présente ou passée, et au milieu terrestre ou extra-terrestre.
"L’Opération Musikron" (Operation Syndrome, 1954) ouvre le recueil sur une Terre menacée par une étrange épidémie rendant les gens fous, les conduisant aux pires actes et qui a touché uniquement de grandes villes tout autour du monde sans aucune logique semble-t-il. Tous les psychanalystes de la planète sont sur les dents, à commencer par le docteur Eric Laddle de Seattle, l’un des moins orthodoxes. Avec le syndrome de brouillage, Frank Herbert illustre un thème majeure dans son œuvre, celui du contact total entre un individu et le reste de l’humanité.
"Le syndrome de la Marie-Céleste" (The Mary Celeste Move, 1964) constitue une autre exploitation littéraire de la psychologie humaine : le Pentagone s’inquiète de soudains mouvements de population intérieurs inexpliqués et inexplicables dans une société pourtant très mobiles. En ces temps de mondialisation, cet autre syndrome semble particulièrement d’actualité car il joue sur les peurs de l’humain face à l’espace et la complexité.
Pouvoir retrouver les personnalités et pensées de ses ancêtres en accédant à l’inconscient collectif existant selon une hypothèse de Carl Jung, tel est l’effet de la mémoire génétique dans "L’effet M.G." (The G.M. Effect, 1965). Herbert inaugure une communauté de pensée génétique dont il dote aussi les sœurs du Bene Gesserit.
Beaucoup plus classique est la nouvelle "Forces d’occupation" (Occupation Force, 1955) qui voit l’arrivée d’un vaisseau gigantesque dans l’orbite terrestre. L’inévitable question des intentions de ses occupants se pose alors et l’armée se montre prête à défendre chèrement son indépendance.
Avec "Les primitifs" (The Primitives, 1966) un subtile parallèle entre une femme de Néandertal très habile à tailler la pierre et un tout aussi habile voleur du XXe siècle aux traits disgracieux constitue l’arrière plan d’une aventure rocambolesque de vol de diamant martien.
Simple parenthèse puisque "Vous cherchez quelque chose ?" (Looking for something ?, 1952), première nouvelle de S.F. écrite par Frank Herbert pose le problème de la perception de la réalité par les Humains. Sans aller jusqu’à la virtualisation du monde comme dans Matrix, une réalité cachée tout aussi horrible est imaginée ici.
Face à cette horrible destinée, "Passage pour piano" (Passage for Piano, 1973) apparaît comme la plus tendre des nouvelles du recueil et pose une question essentielle : peut-on raisonnablement emmener un piano à queue de 658,5 kilogrammes pour une colonisation sur une autre planète quand la masse transportable par le vaisseau est limitée et attribuée avec parcimonie, le pianiste fut-il un petit garçon aveugle ?
"Semence" (Seed Stock, 1970) pourrait être la suite de la nouvelle précédente car elle met en scène la vanité humaine à vouloir terraformer une nouvelle planète. S’adapter ou mourir : Charles Darwin n’eut pas désavoué la leçon de cette histoire.
"L’œuf et les cendres" (Egg and ashes, 1960) est présentée comme rejoignant les nouvelles précédentes sur une conscience globale, mais elle fait parti des histoires les plus inaccessibles du volume et semble plutôt traiter de l’invasion d’un corps par un parasite.
Conçu pour assister les planètes et leurs occupants dans les conséquences des premiers contacts entre les Humains et lesdits occupants, le Service d’Anthropologie centrale commet bien des bévues, et la planète Rukuchp de "Chant nuptial" (Mating Call, 1961) s’annonce comme le théâtre d’une autre catastrophe provoquée par le mode de reproduction de ses habitants.
Rejoignant la nouvelle "Vous cherchez quelque-chose ?", "Etrangers au paradis" (Escape felicity, 1966) évoque la possible altération de la réalité par des extra-terrestres, à des fins dissimulatrices et pacifiques cette fois. Et si l’absence de réponse à la question existentielle de la solitude humaine dans l’univers résultait d’un acte volontaire ?
Quant à "La bombe mentale" (The Mind Bomb, 1969), il s’agit d’une nouvelle très sobre ayant pour sujet un thème cher à Herbert, celui de l’affirmation de la liberté et de la capacité humaine à innover par réaction à une bureaucratie mécanique et étriquée incarnée ici par la Machine suprême.