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Les enfants de l’éternité
samedi 13 décembre 2003, par
Juan Miguel AGUILERA (1960-) & Javier REDAL (1962-)
Espagne, 2001, Mundos en la Eternidad
Imaginaire sans frontière, 2003
On avait déjà pu apprécier le talent de Juan Miguel Aguilera, auteur de l’atypique La Folie de Dieu, et plus récemment de Rihla, deux romans ancrés dans un substrat historique. Javier Redal, issu de la même génération, est lui aussi un auteur espagnol de SF reconnu. Ensemble, ils ont rédigé ce space-opéra, aussi ambitieux que captivant. Dans une galaxie différente de la nôtre -un amas d’étoiles, en réalité-, un Empire moribond voit peu à peu ses marges lui échapper, happées par le contrôle d’un pouvoir militaire, celui de la Utsarpini, et d’une théocratie aux ambitions totalitaires, la Fraternité. La principale particularité de ces systèmes habités réside dans la présence des Babels, des tours immenses, évoquant les ascenseurs spatiaux des Fontaines du Paradis de Clarke, édifiés par une race inconnue et disparue sans laisser d’adresse.
Les premiers chapitres du roman font plutôt penser à un univers à la Dune, traversé de complots et de trahisons, et évoquent également une sorte de roman maritime transposé au cadre spatial : le personnage principal du roman, Jonas Chandragupta, se voit en effet embarqué bien malgré lui à bord d’un navire de la Utsarpini, afin d’élucider la destruction de cargos de l’espace, peut-être victimes de véritables cétacés stellaires... A ce stade de l’histoire, le livre peine à prendre son envol, d’autant que le style littéraire n’a rien d’extraordinaire, s’apparentant davantage à du G.J. Arnaud qu’à du F. Herbert. Certaines inventions sont toutefois à signaler, telles ces scaphandres impériaux qui constituent une seconde peau organique, et dont on s’équipe par aérosols...
Pourtant, la découverte par le Vajra, le vaisseau de la Utsarpini, associé pour l’occasion à celui de l’Empire, le Kalpa, d’une sphère de Dyson tout simplement gigantesque, à l’écart de tout système solaire, donne une toute autre dimension à l’intrigue. La découverte progressive de cet univers en miniature, de ses éventuels habitants, de son fonctionnement complexe et cohérent, s’avère véritablement prenante et passionnante. D’autant qu’à la différence de la sphère morlock des Vaisseaux du Temps de Stephen Baxter, celle de Aguilera et Redal est composée d’une infinité d’astéroïdes, qui, liés aux planètes et à l’étoile internes, forment un véritable écosystème. Une telle découverte attire inévitablement les forces de la Fraternité, et engendre son lot d’actions, souvent spectaculaires, fréquemment haletantes. Trop rarement, les deux auteurs changent leur parti-pris narratif, en s’efforçant de se mettre à la place d’une forme de vie extra-humaine, et la généralisation de ce procédé aurait été appréciable.
Les divers rebondissements maintiennent en tout cas l’intérêt du lecteur, qui succombe à ce roman, certes à l’originalité limitée, mais qui n’en est pas moins d’une efficacité redoutable. On touche même à l’origine de la vie dans cette partie de l’espace, dans une vision qui évoque le cycle de Rama d’Arthur C. Clarke, en particulier. Un space opéra vivement recommandable !