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Entre deux mondes incertains
vendredi 28 février 2003, par
Jacques STERNBERG (1923-2006)
Belgique, 1958
Denoël, collection " Présence du Futur ", 256 pages
Un des fleurons de la littérature SF et fantastique belge, Jacques Sternberg conserve une réputation certaine en France même, comme en témoignent les recueils qui sortent actuellement. Entre deux mondes incertains, dont la dernière édition date de 1958, est également une sélection de nouvelles du scénariste de Je t’aime, je t’aime, le film temporel d’Alain Resnais.
De l’ensemble des textes proposés se dégage une crudité, voire une cruauté, sans ambages. " Les Stryges " est ainsi une métaphore de la folie qui se dissimule sous notre construction rassurante qui a pour nom réalité, et " Le monde a bien changé " une dénonciation de la logique absurde qui régit notre société de consommation, tout comme " Ceci est mon testament ", et " Vos passeports, messieurs ! ", critique ironique des pesanteurs bureaucratiques. " Arrête-toi et regarde " met carrément en scène le suicide d’un déçu de l’amour (extra-terrestre) qu’il n’a pas su apprivoiser, avec une écriture qui tente au plus près de recréer les détours psychologiques de la pensée. Ce texte entretient une parenté certaine avec " Quoi ? ", terrible exemple d’incompréhension et d’impossiblité de communiquer entre Terrien et extra-terrestres, et avec le poétique " Marée basse " (dont se rapproche la nouvelle " L’homme qui a gagné la mer ", d’Alain Dorémieux, reproduite dans Les enfants du mirage - 2). De même, " Univers zéro ", qui met en scène le naufrage d’un astronaute sur une planète interdite, s’articule autour des pensées de celui-ci, qui préfère se laisser mourir plutôt que de continuer à se battre...
Un autre thème de prédilection de Jacques Sternberg tourne autour de la mort de peuples ou de civilisations, que développent " Ceci est mon testament ", l’amusant " Précis de l’Histoire du Futur " où des fourmis remplacent les hommes, " Les conquérants ", illustration des ravages de l’impérialisme, " Partir, c’est mourir un peu moins " avec sa fin de la Terre aux conséquences atroces, et " Le navigateur ", à la chute terrible. Même le rire est toujours jaune, ainsi qu’en témoignent les " Contes brefs ", " Contes très brefs " et " Contes encore assez brefs ". De même, la nouvelle " 2001+1 " acquiert désormais une dimension humoristique d’autant plus marquée qu’elle se compose de courts textes écrits par un habitant de 2002 ! Les sept nouvelles qui suivent peuvent également être rattachées à ce tryptique, de " Plus loin que la nuit " et " La machine à sous ", avec leur fuite perdue d’avance devant la mort (tout comme " Celui qui savait "), à " Le passé ", qui fait du voyage temporel un raccourci vers la mort, sans oublier " Guerre et paix ", vision désabusée d’une humanité qui a besoin de la guerre. Malgré certaines redites entre diverses nouvelles, ce recueil se lit avec intérêt, un sourire crispé sur le visage...