La ligue des héros

Xavier MAUMEJEAN (1963-)

France, 2002

Mnémos, 222 p.

Avec son premier livre chez Mnémos (mais qui est déjà son troisième roman), Xavier Mauméjean propose une intéressante variation qui puise dans le steampunk, mais pour mieux le dépasser, compliquant à l’envie la vision que le lecteur se construit tant bien que mal au fil des pages. Tout commence en 1969, à Londres, avec la quête d’un vieil homme amnésique, placé chez ce qui semble être la famille de sa fille, visant par ce biais à retrouver son passé... La découverte de pulps et de comics va progressivement raviver ses souvenirs : il était Lord Kraven, illustre membre de la Ligue des Héros, une organisation basée dans l’Angleterre victorienne, et qui avait pour but la lutte contre le mal. Toutefois, cette Angleterre-là se trouvait en lien avec le pays imaginaire, celui des fées, de Peter Pan, du capitaine Crochet et d’autres personnages fantastiques, nouveaux immigrés de la blanche Albion. Peu à peu, les lignes narratives s’entrecroisent, mêlant Lord Kraven, le Maître des détectives -un autre membre de la Ligue des Héros- qui évolue dans une Angleterre républicaine des années 30, autoritariste, et cette réalité de 1969 qui ne semble avoir aucun lien avec ces passés qui émergent des sables de l’oubli. Et c’est au moment où le lecteur se sent le plus perdu que Xavier Mauméjean livre le fin mot de l’histoire, une conclusion très dickienne, qui fait de ce roman, au-delà d’un hommage multiforme à nombre de passions de l’auteur (les vieux romans de SF, l’absurde et le fantastique britannique, le policier " holmesien ", les super-héros des comics), une réflexion sur la réalité et la mémoire qui ne laisse pas indifférent, et qui se trouve même enrichie de diverses allusions politiques loin d’être innocentes. Une jolie réussite de la part d’un auteur apte au jonglage thématique, et qui mérite incontestablement le détour. Souhaitons que la SF française nous réserve encore bien des surprises aussi intéressantes !