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Eros millenium

dimanche 9 décembre 2001, par Maestro

Jean-Marc LIGNY

France, 2001

J’ai Lu, coll. "Millénaires"

Après Cosmic Erotica, Jean-Marc Ligny remet le couvert, toujours avec la même thématique, mais en faisant cette fois appel à des auteurs masculins, et pas n’importe lesquels, s’il vous plait ! La conception très ouverte de l’amour, défendue par l’anthologiste dans sa préface, permet une telle diversité de textes que la cohérence de l’ouvrage en souffre quelque peu.

Ainsi, l’amour est-il plus souvent traité par la négative, l’absence : en témoignent " Magma ", de Serge Lehman, dont la dénonciation d’une médiatisation à outrance de la sexualité superficielle de la jet set, sans aucun sentiment, sonne terriblement juste ; " Playback ", de l’espagnol Armando Boix, qui traite du décalage entre désir sexuel et sentiment amoureux à travers un procédé de sexualité virtuelle, tout comme " Electro Cute ", du danois Henryk H. Loyche ; " Inbox ", du nouveau venu Arthur Zeven, ne s’intéresse également qu’à la sexualité crue, par le biais d’un produit à tester. La nouvelle de Valerio Evangelisti, " Le souffle des FARC ", ne parle pas non plus d’amour, mais détourne de façon amusante la mésaventure d’un Clinton pour en faire une arme politique bien plus efficace que la farce à laquelle nous avons eu droit ! Quant au texte de Clive Barker, " Le récit de Haeckel ", il est plutôt l’illustration sous un vernis gothique d’une histoire de sexualité mort-vivante assez répugnante et digne d’une bonne série Z ; un constat auquel échappe en partie Patrick Eris et " La promesse rompue ", même si son récit d’un mari trahi qui revient de l’au-delà pour se venger reste beaucoup trop classique.

Mais certains textes n’ont vraiment que peu de rapports avec l’amour. Ainsi, " Les infortunes de la baleine blanche ", nouvelle originale de Luca Masali, qui narre la rencontre imaginaire de la Justine de Sade et du capitaine Achab de Melville, par le biais du mélange " moléculaire " (sic !) des deux ouvrages jetés au pilon, ne concerne absolument pas l’amour, surtout entre les deux protagonistes... " La Saint-Valentin d’Arlequin ", de Neil Gaiman, est, de par son onirisme légèrement décalée, une sorte de métaphore sur la confrontation entre l’amour idéal et la triste réalité... Enfin, " La quête du zamal ", texte délirant signé Roland C. Wagner, ne met en scène lui-aussi que la sexualité, mais en second plan, le cœur de sa nouvelle étant la recherche d’un trip gigantesque... Le sommet du hors-sujet est atteint avec " Carnassiers ", de Marcus Hammerschmitt, exercice de style qui évoque Jessie de Stephen King, en plus atroce.

On signalera toutefois des textes joliment écrits et à l’intrigue réussie, en connexion avec le cœur du sujet : Pierre Bordage, une fois de plus, parvient à nous tenir en haleine avec " Juliet " et son ode à l’amour des différences. Jean-Claude Dunyach est également plein de poésie avec ses " Voleurs de silence ", et son couple d’artistes unis par le biais de leurs numéros. On restera plus sceptique quand à " La ballade de Silla" , de l’anthologiste lui-même, assez naïf et inintéressant, sauf peut-être à replacer cette nouvelle dans le cadre de l’univers créé par Ligny. " Dernières volontés ", de K. W. Jeter, est plus original, car il s’intéresse à l’amour entre un père et sa fille, tous deux suffisamment tordus pour se prouver leur amour par une violence verbale minutieusement agencée... De même, " L’assistant du Dr Luther ", de Paul J. McAuley, renouvelle d’une certaine façon le thème de Frankenstein par la bande, en mettant en scène la création de sous être humains uniquement destinés à l’assouvissement de désirs sexuels quelque peu déréglés, et qui souhaitent évoluer à un stade supérieur ; le héros -l’assistant du titre- ne sera dans cette finalité qu’un simple maillon dont on s’attirera la complicité par le biais d’un coup de foudre amoureux aux effets finalement tragiques...

Dans le même ordre d’idées, Andreas Eschbach, inoubliable auteur du prenant Jesus Video, signe une nouvelle brève mais intense, " L’amour des yengs ", qui évoque par petites touches incomplètes la sexualité d’une race extra-terrestre qui reste floue, mais pour laquelle la copulation n’est source de plaisir que pour l’un des partenaires, l’autre souffrant mille morts pour permettre la reproduction. Derrière l’exotisme des termes employés, comment ne pas voir la condamnation d’une sexualité masculine qui recherche son assouvissement de façon aveugle et égoïste, au détriment trop souvent du plaisir de sa partenaire, oubliant ainsi que l’amour vrai ne peut être que communion ?

Finalement, le côté plus épanoui de l’amour est moins représenté, sans doute parce que le bonheur est finalement tragiquement ennuyeux. Même " La sagesse de la peau ", de James Morrow, qui illustre finalement la force de l’amour conjugal, paradoxalement à travers l’exhibition en public, a une résonance tragique de par le handicap terrible dont souffre la femme mise en scène : mais quelle belle conclusion sur l’universalité de l’amour ! Malgré la qualité de plusieurs textes, on restera tout de même dubitatif sur la pertinence de telles anthologies, qui, à défaut d’être cohérentes, ont au moins le mérite d’offrir des supports éditoriaux permettant de découvrir des nouvelles intéressantes.

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