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Jésus Vidéo
mardi 3 avril 2001, par
Andreas ESCHBACH (1959-)
Allemagne, 1998
L’Atalante, 2001
Rares sont les auteurs de science-fiction à oser s’attaquer à l’un des plus grands personnages de l’histoire de l’humanité : Jésus de Nazareth. Avec sa nouvelle "Voici l’homme" (Behold the Man, 1969), Michael Moorcock figure parmi ceux-là : il y raconte le voyage de Karl Glogauer qui se risque dans la Palestine du Ier siècle et découvre que Jésus n’est qu’un enfant débile. On l’aura compris, avec un tel sujet, il est facile de succomber à la tentation iconoclaste ou à son opposée, l’idolâtrie. Essayant d’échapper à ces périls, l’auteur allemand Andreas Eschbach réalise pour sa part un roman stupéfiant qui tient autant du thriller que de la science-fiction.
Lors de fouilles archéologiques sur un site funéraire israélien organisées par l’archéologue britannique Wilford-Smith et financées par le magnat de la communication John Kaun, le jeune Stephen Foxx, fouilleur américain bénévole et créateur millionnaire d’une start-up, découvre sur la parcelle qui lui est impartie et dans une couche stratigraphique vieille de deux mille ans, un squelette auprès duquel repose un sac contenant un sachet plastique et le mode d’emploi américain d’une caméra numérique Sony encore inexistante à la date des fouilles. Chez tous les protagonistes les questions affluent : comment est-ce possible ? Est-ce qu’il y a une caméra ? Qu’est-ce que cette caméra a filmé ? Pour tous la dernière question ne peut avoir qu’une réponse : si un homme réussissait à voyager dans le temps pour gagner la Palestine du premier siècle, il aurait nécessairement chercher à filmer le Christ. Auquel cas il y a quelque part une caméra contenant un film sur lequel figure Jésus Christ.
C’est d’abord à une chasse au trésor que nous invite l’auteur de Des milliards de tapis de cheveux. En effet une telle vidéo ne peut que déchaîner passions et intérêts des plus nobles aux plus sordides. Commence alors une course opposant le commanditaire des fouilles au jeune Foxx et ses amis et dans laquelle intervient l’Eglise catholique. Le roman n’est pas sans rappeler les aventures d’archéologues à la recherche de trésors perdus qu’ils soient cinématographiques (Indiana Jones, Allan Quatermain...) ou ludiques (Lara Croft) mais il n’en a pas l’aspect humoristique. Le résultat est loin d’être ridicule et l’on dévore littéralement les presque 600 pages du récit mené avec maestria et un sens aigu du suspens.
Sans être un récit de voyage temporel, Jésus vidéo constitue une enquête reconstruisant le supposé voyage temporel d’un inconnu à partir des maigres indices archéologiques et de spéculations sur son comportement, sur les paradoxes susceptibles d’être générés par le voyageur mais surtout par la découverte de sa tombe, doublé d’une simple interrogation sur la personnalité de Jésus de Nazareth. L’ouvrage est indéniablement intelligent et conduit à réfléchir sur les phénomènes religieux historiques. Mais tout cela ne serait-il pas une gigantesque mystification ?