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Fragments d’un miroir brisé

Anthologie de la nouvelle S.F. italienne

mercredi 13 juin 2001, par von Bek

Valerio EVANGELISTI (1952-2022), dir.

Pays : Italie, 1994-1999

Editeur : Payot SF, 1999

Selon la métaphore de Valerio Evangelisti qui présente ce recueil de nouvelles italiennes spécialement créé pour les lecteurs français, le miroir brisé dont il est question n’est autre que la science-fiction italienne qui reflète de différentes manières notre présent.

"Fabulaliena" de Silverio Novelli associe un thème classique de la S.F. et de l’horreur - celui de la possession d’un enfant - avec un récit onirique relaté par le père de l’enfant. Pour qui aime l’onirisme et la S.F. teintée d’horreur, voilà une nouvelle satisfaisante...

Moins toutefois que "Choukra", planète que les Terriens, ces êtres avides en quête perpétuelle de nouvelles richesses, entreprennent d’étudier avant de coloniser. Etude racontée par la survivante de la mission qui ne surmonte pas son traumatisme quinze années après les événements. La plume de Nicoletta Vallorani restitue la vision des vaincus dans un récit engagé, décousu et teinté d’ethnographie.

Sous la plume de Franco Ricciardiello, notre univers est menacé de disparaître entre 2090 et 2180 par un univers d’antimatière qui existe dans notre futur et descend la trame chronologique à notre rencontre. Pour vaincre "L’ombre des empires à venir" des savants britanniques explorent l’avenir à la recherche d’événements susceptibles de retarder la collision : mais que se passe-t-il si l’une des savantes contemple un événement troublant de son futur ?

Avec "Le dernier souvenir" de Giorgia Mantovani, tout devient sexuel et une créature de sexe féminin se livre à des expériences érotiques à la recherche de la perfection qui ouvrira la voie à une nouvelle humanité. Un récit pour le moins excitant... et pseudo-philosophique à l’image de nombre récit érotique qui recherche une légitimation intellectuelle comme le roman Emmanuelle.

La nouvelle "La Baleine du ciel" constitue sans doute l’une des plus intéressantes du recueil parce qu’elle s’inscrit dans la continuité des publications françaises de son auteur Luca Masali. Comme Les biplans de d’Annunzio ou La perle de la fin des temps, elle se déroule dans la première moitié du siècle et met en scène des personnages célèbres - au moins pour les Italiens - de l’époque, en l’occurence Umberto Nobile (1885-1978) fameux aérostier et explorateur polaire italien de l’Entre-deux-guerres. Suivant sa pratique, Masali insère dans le tissu de la réalité des personnages fictifs qui participent à l’expédition vers le Pôle Nord de 1928, à but scientifique mais dans un contexte politique européen troublé. Avec cette nouvelle, Masali apparaît comme un digne héritier de Jules Verne et de ses voyages extraordinaires et un digne représentant du courant steampunk . Pour le lecteur français, "La baleine du ciel" souffre néanmoins d’un inconvénient : Umberto Nobile et ses expéditions aérostatiques du Norge et de l’Italia sont peu connus en France et la nouvelle est dénuée de toute note explicative qui puisse éclaircir la lanterne du lecteur tant au sujet de Nobile que du régime fasciste, de ses organisations paramilitaires et de ses zélotes, tel que Balbo, aviateur italien qui préside à la destinée de l’aéronautique italienne sous Mussolini.

La nouvelle suivante consititue un hommage parodique au polar américain du milieu du siècle et "Ketama", détective privé de Melbourne, et héros éponyme de ce récit de Silvio Sosio, est une émanation de Philip Marlowe accro aux bonbons à l’eucalyptus, tel un Kojak moyen évoluant dans un univers où des cyborgs très humanisés (les synthétiques) rendent de menus services domestiques et laborieux aux humains mais commettent parfois de petites fugues au grand dam de leur propriétaire. La nouvelle est amusante, (trop ?) fortement influencée par les réplicants de Blade Runner , mais elle manque de profondeur.

Avec Domenico Gallo et "Le reflet noir du vinyle", retour à la S.F. stygmatisante combattant la dure réalité du monde moderne et l’impérialisme du grand Satan capitaliste américain : ça tombe bien le héros est un prêtre qui pour avoir soutenu la guerilla du Chiappas, s’est vu enlevé et transformé en agent secret assassin dont la mémoire est effacée après chaque mission. Seuls souvenirs récurrents : sa partenaire (blasphème !) et son amour du jazz. Il est bien connu que toutes les organisations terroristes de la planète se battent pour le bien des gens...

"Je le jure" de Andrea G. Colombo vient compléter le petit tour des différents courants de la S.F. en y ajoutant sa touche sanglante et horrifique. Les amateurs de King et autres Koontz y trouveront peut être leur content...

"La musique du plaisir" de Luigi Pachi associe de manière classique cyberpunk et drogue dans un texte engagé dans la lutte contre le fléau, ici incarné par une musique d’impulsions cérébrales injecté par des connexions neurales au niveau des organes cybernétisés.

Enfin, pour conclure un recueil de textes souvent très engagés, quoi de mieux qu’une nouvelle elle-même très engagée issue de l’imagination de Valerio Evangelisti ? Cette fois, les organisations terroristes japonaise et péruvienne luttent dans une action concertée contre le grand capitalisme mondial étatique méprisant la vie. On retrouve encore cette espèce de paranoïa du complot spécifique aux aventures d’Emerych.

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