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Le grand jeu du temps

guerre froide temporelle

dimanche 21 janvier 2001, par von Bek

Fritz LEIBER (1910-1992)

Etats-Unis, Big Time

Le Masque-S.F., n°73, 1978

Sous ce titre sont réunis un roman et une nouvelle au passé éditorial chargé. Le roman, La guerre des modifications, n’a pas rencontré lors de sa parution française en 1964 dans la revue Galaxie sous le titre de Guerre dans le Néant, le succès auquel les éditeurs auraient pu s’attendre pour le prix Hugo de 1958. Les lecteurs de la revue française ne manquèrent pas de manifester leur mécontentement envers un récit jugé peu compréhensible.

Il est vrai que La guerre des modifications constitue une somme de paradoxes, dont le dernier, et certainement pas le moindre, est d’être une histoire de guerre temporelle... sans un seul paradoxe temporel. Jacques Sadoul a sans aucun doute raison en écrivant, dans son Histoire de la science-fiction moderne (Laffont, 1984, p.218), que l’" on ne raconte pas The big Time ".

A travers tout l’univers et au travers des siècles, Araignées et Serpents s’affrontent avec pour armées les démons, des humains et des E.T. ressuscités, et pour enjeu leur survie respective. Ainsi, de par cette guerre temporelle, notre Histoire n’est plus qu’une uchronie chaotique : l’empire romain s’est effondré prématurément, la guerre de Sécession, pas plus que la révolution russe d’octobre n’ont eu lieu et les Nazis ont gagné la Seconde Guerre mondiale et dominent un territoire s’étendant du Kansas à la Sibérie. Malgré l’étendue du conflit, le récit se déroule entièrement dans l’Endroit, une des nombreuses stations de repos de la faction arachnéenne situées dans le Vide. Paradoxalement, ce roman, témoin d’une guerre aux dimensions titanesques, constitue un huis-clos dans l’antichambre de l’espace et du temps avec pour narratrice, Greta Forzane, une hôtesse chargée de réconforter les soldats rescapés.

Roman sur la condition humaine, La guerre des modifications trahit en fait les inquiétudes nées de la Guerre froide et la peur de l’apocalypse nucléaire. Fritz Leiber dénonce en partie cette folie qui risque de détruire l’humanité et, sous sa plume, les Américains deviennent Araignées et les Soviétiques, Serpents : " Les Araignées nous affirment que, pour damer le pion aux Serpents, il est de la plus haute importance que l’Ouest finisse par l’emporter sur l’Est " (p.37). Pour comprendre les peurs de l’époque et l’esprit du livre, il faut avoir lu la panique décrite dans le chapitre VII, chapitre qui suit la découverte d’une bombe atomique et qui s’ouvre par un extrait du rapport technique de l’explosion de la première bombe A à Los Alamos, Nouveau-Mexique. Dès lors le titre Le grand jeu du temps se justifie pleinement : n’a-t-on pas désigné la Guerre froide sous le terme de Grand Jeu ?

Ainsi La guerre des modifications s’inscrit dans le même courant de la science-fiction, bien localisé chronologiquement, qu’Un cantique pour Leibowitz de Walter Miller. Les tendances auto-destructrice de l’humanité y sont là aussi soulignées.

Le deuxième récit paru dans Le grand jeu du temps, la nouvelle "L’homme de guerre" (The oldest Soldier, 1960), est plus abordable mais, comme beaucoup de nouvelles, contient une forte part d’énigme qui la rende peu accessible en tant que récit isolé. Le narrateur est cette fois un terrien bien vivant et non impliqué dans la grande guerre et qui aime partager avec ses amis des récits héroïques autour d’un verre. Le dernier venu au sein du petit groupe s’appelle Max et ses récits guerriers dépassent de loin tout ce qui a pu être dit, couvrant des conflits de l’Antiquité jusqu’à des conflits spatiaux jamais arrivés. Reste que Max n’aurait pas dû s’attarder et se voit menacer par ses ennemis intemporels à la grande stupeur du narrateur qui se voit charger de couvrir son évacuation sans aucune explication. Manque que subit tout aussi bien le lecteur et, n’eut été les récits de Max, fort allusifs en outre, "L’homme de guerre" se rattacherait difficilement au cycle de la guerre modificatrice.

Précisons, à la décharge de l’auteur et pour expliquer son absence de succès en France, que The big Time appartient à une geste qui comprend , outre la nouvelle "L’homme de guerre", pas moins de onze autres nouvelles. Nombres d’entre elles figurent dans le recueil Les racines du passé. Deux sont publiées dans le volume de la collection "Le livre d’or de la Science-Fiction" consacré à Fritz Leiber, tandis qu’une a paru en 1968 dans un numéro de l’édition française du Ellery Queen Mistery Magazine, et que deux ne furent jamais traduites.

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