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Obsidio

mercredi 14 janvier 2004, par Maestro

Johan HELIOT (1970-)

France, 2003

Editeur : Denoël, coll. "Lune d’encre", 464 p.

Johan Heliot nous avait fortement impressionnés avec La Lune seule le sait, roman steampunk doté d’une profondeur politique plus consistante qu’à l’accoutumée. Avec Reconquérants, c’est l’uchronie romaine qu’il avait détourné à son profit, usant d’une peinture fantastique avec grand talent. Pandemonium, roman mi historique, mi science-fiction, s’avérait moins brillant, mais ne ternissait pas pour autant le talent de son auteur. Et nul doute qu’avec Obsidio, Johan Heliot surprendra et étonnera par la variété de son inspiration, véritablement multiforme.

Ce recueil comprend cette fois trois nouvelles contemporaines, dont deux particulièrement longues. La plus courte, mais certainement pas la moins efficace, " Retour aux sources ", met en scène un cadre supérieur commercial en proie à des hallucinations effrayantes, susceptibles de le faire basculer dans la folie... ou dans un autre monde. Jeu sur le langage, presque une variation sur le voyage temporel, " Retour aux sources " est également une dénonciation du libéralisme forcené, qui dévore les hommes en les pressant au maximum. " Les maux blancs ", qui ouvre le volume, est plus originale. Elle est centrée sur le personnage d’un assassin professionnel, incarcéré durant dix ans alors qu’il était encore mineur, et qui a noué avec son père, véritable modèle aimé et haï, une relation quasiment symbiotique. La plume de Johan Heliot se fait ici âpre, dure, réaliste, sans concession, collant véritablement à la psychologie de ses personnages. Un réalisme social noir, que complète le fantôme du spectre nazi, celui qui a déformé les parents que le héros de cette fresque du côté sombre de l’Europe devra sacrifier afin de trouver un avenir, sinon la sérénité.

Derrière ces figures d’un mal qui se veut absolu, on devine l’influence discrète des créatures d’un Lovecraft, une influence également présente dans la nouvelle éponyme. Ayant comme cadre une petite ville de banlieue, elle butine entre divers personnages égarés de la vie, de la jeune secrétaire camée à son patron médecin, aigri et en manque de pouvoir, en passant par une prof en proie aux difficultés de l’enseignement en ZEP et un adolescent révolté mal dans sa peau. A l’instar du Brume de Stephen King, cette galerie d’individualités va demeurer le seul noyau de survivants dans une ville subitement vidée de ses habitants, en proie à une obscurité et à un froid grandissant, le tout dominé par les manifestations d’une force mystérieuse et irrésistible. Matérialisation de notre inconscient, de toutes nos peurs modernes, du mal-être qui gangrène un monde urbain devenu la nouvelle frontière fantastique. Evitant la tentation d’une fin par trop téléguidée, Johan Heliot parvient à capter l’attention du lecteur tout au long de ce récit prenant et angoissant, une grande réussite.

On suivra avec intérêt la suite des aventures de ce nouvel explorateur des lettres et de ce qui se cache derrière...

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