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Le cycle d’Hastur
lundi 24 avril 2000, par
Robert M. PRICE (anthologiste)
Etats-Unis
Oriflam, coll. Nocturnes, 2000
Hastur l’indicible, Celui Que l’On Ne Doit Pas Nommer, et qui réside dans le lac d’Hali, sous les rayons de l’étoile maligne d’Aldébaran... Consacrer un recueil entier à ce Grand Ancien pouvait donc sembler intéressant, à condition de trouver suffisamment de nouvelles pour l’alimenter. Et là, la ficelle est un peu grosse, surtout quand on compare l’ensemble des histoires sélectionnées à certains éléments de l’introduction, dans laquelle Robert M. Price n’est pas loin d’accepter de parler d’un mythe d’Hastur presque autonome... Car toutes les nouvelles ne concernent pas directement Hastur, d’autant plus que ce dernier terme ne recouvre pas, selon les auteurs, la même signification, désignant tantôt un lieu, tantôt une entité pas toujours bien définie.
Un premier ensemble de nouvelles peut en tout cas être dégagé, ayant comme dénominateur commun la pièce de théâtre « Le roi en jaune », cousine du célèbre Nécronomicon. Il en va ainsi du « Réparateur de réputations » de Robert W. Chambers, illustration assez réussie de la folie d’un homme ; du « Signe jaune », du même auteur, plus prévisible ; du « Fleuve des Songes Nocturnes », de Karl Edward Wagner, qui, après un début coup-de-poing, mélange habilement glissement temporel, sadisme et démence ; de « Plus de Lumière », de James Blish, classique mise en place d’une atmosphère lovecraftienne, mais qui vaut surtout par le fait que l’auteur glisse de larges extraits de la pièce maudite, ce qui déflore certes l’horreur sous-entendue, mais intrigue et fait frissonner, tant et si bien que l’on se prend à chercher un sens caché derrière les vers particulièrement bien écrits...
Quelques histoires, par contre, se rattachent plutôt à l’esprit de la littérature romantique, même si « Le Roman du Sceau Noir » d’Arthur Machen opère un subtil glissement du petit peuple des contes et légendes traditionnels vers une signification plus atroce, travestie sous couvert d’elfes sympathiques ou de bonnes fées. Les vieux récits d’Ambrose Pierce, qui datent de la fin du XIXème siècle, illustrent bien et le thème d’un bonheur invisible et fragile (« Haïta le Berger »), et celui de la douleur inconsciente du revenant (« Un habitant de Carcosa », à la chute attendue mais émouvante).
Un autre ensemble gravite autour du classique de Lovecraft, « Celui qui Chuchotait dans les Ténèbres », de la planète Yuggoth et de ses habitants, les fungi (histoire dans laquelle la victime des extra-terrestres porte une écharpe jaune, une allusion au Roi et au masque blème, vu le sort de son propre visage ?)... Ainsi, avec les « Notes sur l’Affaire Elizabeth Akeley », de Richard A. Lupoff, nous découvrons une suite possible de la nouvelle du maître, Elizabeth Akeley étant l’arrière petite-fille d’Henry Akeley, au destin si tragique ; l’optique de l’histoire en est d’ailleurs modifiée, l’enrichissant de façon un peu hétérodoxe avec une histoire d’amour, ce qui donne plutôt à la nouvelle un statut de pastiche. Quant aux histoires respectives de Ramsey Campbell (« La Mine sur Yuggoth ») et de James Wade (« Atterrissage sur Yuggoth »), comme leurs titres l’indiquent, elles nous font découvrir l’horreur de la planète maudite elle-même.
En fait, seules deux nouvelles abordent véritablement de front le personnage d’Hastur. « Le Retour d’Hastur », d’August Derleth, un de ses premiers textes qui, en plus de faire des allusions aux événements du « Cauchemar d’Innsmouth » de Lovecraft, expose déjà l’interprétation manichéenne de l’auteur sur le mythe, et met en scène rien moins que Cthulhu et Hastur en personne ! Et « Celui qui Festoie de Loin », de Joseph Payne Brennan, qui évoque fortement « Les Mangeuses d’Espace » de Frank Belknap Long, avec Hastur dans le rôle du dévoreur de cerveau... A l’extrême limite, les textes inachevés de Lin Carter, placés judicieusement en fin de volume, permettent de faire le lien entre les différents sens du mot Hastur et la pièce « Le Roi en Jaune », par le biais de quelques vers, d’une « Histoire de Carcosa sur Hali » et d’une réécriture partielle (mais fort médiocre) des extraits de la pièce en question telle que James Blish les voyait. Mais incontestablement, si ce recueil ne manque pas d’intérêt, son titre est tout de même en grande partie hors-sujet !