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Les hommes frénétiques

mardi 29 mai 2001, par Maestro

Ernest PEROCHON (1885-1942)

France, 1925

bibiothèque Marabout

Qui aujourd’hui, parmi les amateurs de SF française, a entendu parler d’Ernest Pérochon, instituteur et écrivain mort en 1942, en dehors de quelques érudits ? Il faut dire que le personnage n’est pas à proprement parler un habitué du genre, puisqu’il s’est avant tout fait connaître par le prix Goncourt qu’il a obtenu en 1920 pour Nène, un roman campagnard a priori bien éloigné de nos préoccupations ! Qui plus est, la période de l’entre-deux guerres n’est pas non plus celle qui retient le plus l’attention, coincée qu’elle est entre les classiques de l’avant-première guerre (Jules Verne, J.H. Rosny Aîné) et la déferlante américaine de l’après-seconde guerre. Pourtant, Les hommes frénétiques est une bonne illustration, au même titre que La guerre des mouches du compatriote Jacques Spitz, de la désillusion engendrée par la grande guerre vis-à-vis de l’optimisme de la Belle Epoque et de sa foi dans un progrès rectiligne.

Ancré dans son époque, ce roman l’est à plus d’un titre. Le plus flagrant est sans doute le tableau qu’Ernest Pérochon brosse de l’avenir vécu par l’humanité avant le moment où il a choisi d’ancrer sa narration : c’est l’irruption du progrès technologique chez les Jaunes (sic) qui est cause de toutes les guerres extrêmement destructrices qui ont suivi, et ont saigné à blanc l’humanité (avec en particulier les ravages des armes bactériologiques, mais pas d’anticipation sur le nucléaire, contrairement à Wells et sa Destruction libératrice). On sent également chez lui une grande défiance vis-à-vis des " agitateurs " (une probable allusion aux communistes), et son inclinaison le fait plutôt pencher vers un centre tranquille, qui gère la société future en évitant tous les excès. Pourtant, pessimiste, il postule la résurgence, dans la société de l’avenir pacifiée et rationalisée, en apparence équilibrée, de divisions ethniques, religieuses, etc... à la fois nouvelles et anciennes, et de leur corrolaire, la guerre, une guerre à l’ampleur croissante qui témoigne bien de la peur d’un nouveau conflit mondial qui pourrait mener l’humanité à sa perte. On reste toutefois peu convaincu par ce " retour du refoulé " après cinq siècles entiers de paix, qui n’est pas vraiement expliqué, mais simplement constaté.

Plus intéressant, le rôle des scientifiques est particulièrement développé. Ce sont eux qui sont au centre du roman, avec la figure paternelle d’Avérine, le grand scientifique (un Pasteur de l’avenir), et surtout le couple Harrisson-Lygie, transposition possible du couple Curie, même si ces personnages sont très vites noyées dans une narration qui privilégie le récit des événements mondiaux au détriment des itinéraires individuels. La question centrale concerne l’utilisation des découvertes scientifiques : selon l’auteur, qui s’exprime clairement à travers son héros Harrisson, elles doivent être soumises à des gardes-fous et faire l’objet de communications préalables auprès de la population. Une réflexion prémonitoire toujours d’actualité.

Pour le reste, Les hommes frénétiques est un honorable représentant des romans de " fin du monde ". Le long passage dans lequel sont décrites en détails les diverses mutations engendrées dans la population par les expérimentations scientifiques désordonnées est d’ailleurs un modèle du genre, témoignant de l’inventivité de l’auteur. Quant à la fin du livre, elle offre l’illustration d’une histoire cyclique de l’humanité (des allusions sont d’ailleurs faites à l’existence d’une race de surhommes nous ayant précédé), puisque notre espèce est remplacée par une nouvelle qui repart d’un âge préhistorique, et dont la souche est constituée, originalité qui mérite d’être relevée, par un couple d’adolescents attardés. Un roman qui mérite donc tout à fait d’être redécouvert, voire même réédité...

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