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En remorquant Jehovah

mercredi 18 mai 2005, par von Bek

James MORROW (1947-)

Etats-Unis, 1994, Towing Jehovah

J’ai Lu, 1995 ; Au diable Vauvert, 2000

Nietzsche avait déjà tenté un déicide. Mal lui en avait pris car il avait oublié d’achever sa victime qui n’a pas manqué de se rappeler à son bon souvenir. Gageons que l’iconoclaste James Morrow finira par se voir présenter la note des droits à payer pour la divine figuration au sein d’une trilogie particulièrement dégradante pour le personnage central.

A en croire l’auteur, sans doute inspiré par le malin qui n’a pas hésité, dans un moment de jubilation triomphante, à le rééditer, Dieu - Jehovah pour les chrétiens intimes, YVHV, pour les juifs - est mort au grand dam des trônes et autres constellations angéliques. Peut être des suites du fameux rapport Gabriel. Le pire est que son corps s’est abîmé dans les eaux du golfe de Guinée et flotte, nombril et autres attributs anatomiques à l’air. L’on comprend aisément les problèmes que pose et peut poser une telle situation, à commencer par l’existence d’un nombril et sans parler des autres parties d’un cadavre long de trois km.

Les anges agonisant de chagrin prennent alors la décision de faire inhumer la dépouille dans l’inlandsis de l’océan arctique par l’Eglise catholique. Encore faut-il convaincre le capitaine Anthony van Horne de reprendre le commandement du tanker Valparaiso qu’il fit naguère malencontreusement échouer et vidanger en mer des Caraïbes, pour remorquer, dans le plus grand secret, Dieu vers son caison cryogénique avant que la décomposition n’aît achevé de tuer trop de petites cellules grises.

Loin d’être une partie de plaisir en raison des implications morales du décès, le sort s’acharne sur le repentant van Horne tel le morpion sur l’ornementation pileuse moyenne. Outre une île surgie de nulle part, incarnation terrestre de tous les vices, où les marins s’adonnent à la débauche pécheresse, le capitaine et le père Thomas Wickliff Ockham de la Compagnie de Jésus rencontrent sur leur route la très rationaliste, anti-cléricale et partiellement féministe, Société des Lumières de Central Park et la Task Force de l’amiral Jay Spruance prête à rééditer la bataille de Midway.

Il ne sert à rien de supputer des causes du trépas mais il s’agit de se questionner la symbolique de la situation et des tribulations du périple. Le risque est grand de s’y noyer et de perdre son âme suite à la confrontation avec la horde de blasphèmes et irrévérences que conte cette satire. Le caractère surréaliste du sujet implique sa mise à l’index (de la TGBSF) mais disons simplement que, passé le scandale et la théophagie, la vanité d’En remorquant Jehovah demeure : pourquoi Dieu ne serait-il pas mort de honte devant le comportement des hommes ? La verve de James Morrow, si noire fusse-t-elle, se refuserait-elle à toute misanthropie naturelle ?

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