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Le royaume du mur
dimanche 28 juillet 2002, par
Robert SILVERBERG (1935-)
Etats-Unis, 1992, Kingdoms of the Wall
Le Livre de Poche, 1993
Inlassablement, Robert Silverberg écrit roman sur roman, nous livrant régulièrement quelques perles. Ce livre en est une, fable philosophique revêtue d’une couche de science-fiction. L’action se situe sur une autre planète, inconnue, dont les habitants proches de nous ont comme particularités un métabolisme adapté à un air plus chaud et dense, une apparition seulement épisodique d’attributs sexuels, et la possibilité -limitée- de transformer leur corps (les " changements "). Leur niveau de civilisation reste limité, correspondant en gros à celui des débuts de l’Antiquité, et les nombreux villages vivent en relative autarcie. Comme chaque année depuis des temps immémoriaux, 40 jeunes gens doivent effectuer un pèlerinage dont le but est d’atteindre le sommet du Mur, une montagne si haute qu’elle semble atteindre les étoiles, et où demeurent les Dieux, pourvoyeurs de connaissances. C’est grâce à l’odyssée du Premier Grimpeur que la population bénéficia du peu d’avancées dont elle dispose encore, et c’est depuis ce moment que le pèlerinage a été institué, dans l’espoir d’apporter de nouveaux progrès. Mais depuis des milliers d’années, les seules personnes à être rentrées d’une telle expédition sont les revenants, à l’esprit irrémédiablement dérangé.
Le récit se présente sous la forme du témoignage d’un des 40 dont nous suivons les péripéties, Poilar Bancroche, robuste guerrier boiteux, ainsi que son ami Traiben, penseur acéré, et leurs compagnons, au profil psychologique plus rapidement brossé. Plus qu’une épreuve initiatique, ce pèlerinage est une véritable soupape de sécurité permettant d’assurer l’équilibre (l’immobilisme) d’un mode de vie ancestral, en se débarassant des personnes les plus individualistes. On se laise prendre aisément à cette suite d’obstacles et de découvertes que les pélerins font sur le Mur et sur eux-mêmes, ainsi qu’à leur difficile apprentissage de la vie en groupe restreint, avec la difficulté d’accepter l’étranger différent de soi. Éloge du courage et de la ténacité, de la difficulté de rester soi-même face aux tentations, réflexion sur la finalité de l’existence en même temps que regard lucide sur la difficile accession de l’Humanité à la maturité, ce roman se termine avec un dénouement certes pas très original (Silverberg y réutilise une idée déjà illustrée par un Arthur C. Clarke, en particulier), mais qui possède ici une dimension nettement subversive, conforme à l’humanisme de l’auteur. Un roman hautement recommandable !