Les mémoires du futur

John ATKINS (1916-2009)

Grande-Bretagne, 1955, Tomorrow Revealed

Denoël, coll. "Présence du Futur", 1958, 246 p.

Doté du numéro 27 de la fameuse collection " Présence du Futur ", ce qui lui donne quasiment un statut de pièce de collection, ce livre résolument original n’a curieusement jamais fait l’objet de rééditions. Faut-il y voir une conséquence du style relativement aride de son auteur, plus proche de la description détachée, distante, sinon froide, d’un Stapledon, que de la verve golliarde d’un Pratchett ? Pourtant, le postulat de base mérite plus que le détour : le narrateur est un Terrien de notre lointain avenir, féru de connaissances et de lectures. Tombant par hasard sur les ressources de la bibliothèque d’un ancien amateur de science-fiction, il va s’efforcer de retracer l’histoire des années 1960 jusqu’à sa propre époque, en croisant les informations tirées de divers romans, qu’il prend pour des témoignages plus ou moins déformés... Des catastrophes variées, de nouvelles guerres mondiales, l’essor de la conquête de l’espace et l’apparition de philosophies inédites se succèdent donc au fil des pages, jusqu’à l’apogée -temporaire- de la Nouvelle Crète, une société équilibrée aux relents quelque peu passéistes, magie en prime.

Deux lectures s’offrent ainsi à nous : la première, celle d’une histoire future imaginaire, risque de lasser sur la longueur, l’apparence pseudo scientifique du travail de l’auteur convenant sans doute plus à un historien... La deuxième lecture est celle qui consiste à voir quels sont les ouvrages que le narrateur a utilisé pour écrire son traité, afin d’apprécier ses jonglages et ses interactions entre les œuvres utilisées. Le problème qui se pose néanmoins est celui de l’érudition nécessaire pour bien apprécier le jeu d’Atkins, un jeu compliqué par un discours scientifique qui va jusqu’à critiquer certains ouvrages pour en tirer la meilleure reconstitution de la réalité passée... Et si La guerre des mondes, 1984 ou Les chroniques martiennes ne dépayseront pas l’amateur de SF, les romans de C.S. Lewis ou les noms de Stuart Cloete et de John J. Deegan risquent de ne rien éveiller chez le lecteur. Si l’on ajoute à cela un humour trop rare (on appréciera néanmoins la démonstration visant à prouver le caractère mutant de Van Vogt !), on comprendra facilement que Les mémoires du futur est un roman qu’il faut recommander à des personnes bien motivées... L’exercice était de toute façon extrêmement risqué et casse-cou, le tri étant de surcroit difficile à effectuer entre les réflexions de Atkins lui-même, et ce qu’il tire des romans utilisés, à la différence du discours plus franc d’un Stapledon (d’ailleurs lui-aussi utilisé comme source)... Sans doute serait-il fructueux (mais difficile) de se lancer dans le même genre d’entreprise aujourd’hui, avec plus de clarté si possible !