Le mythe d’Er

Javier NEGRETE (1964-)

Espagne, 2002, El mito de Er

L’Atalante, coll. "La dentelle du cygne", 2003, 192 p.

Javier Negrette s’était déjà signalé au public francophone par un space opéra, Le regard des Furies, paru chez L’Atalante et nourri de références antiques. Cette fois, il nous propose une uchronie fort intéressante, basée sur l’hypothèse de la survie d’Alexandre en 323 avant Jésus Christ, sauvé par Euctémon, un médecin disciple d’Aristote. Le grand conquérant a donc pu poursuivre ses exploits, en prenant possession de la péninsule arabique puis de l’ensemble du bassin méditerranéen grâce à ses victoires successives sur Carthage et Rome. Mais l’intrigue de Negrette tourne autour d’une expédition qu’Alexandre souhaite mener vers le grand nord et la mythique Hyperborée, ainsi que d’une étrange prédiction transmise à Euctémon, selon laquelle " tu deviendras un homme et ton seigneur un dieu ". A l’aide de descriptions bien documentées, appuyées par un utile glossaire, l’auteur nous narre le parcours de cette équipée sans précédent, au cours de laquelle s’affrontent en filigrane les conceptions de Platon et d’Aristote. La psychologie d’Alexandre est également respectée, même si certaines actions ont un peu trop tendance à reproduire des événements de la véritable histoire. Peu à peu, les contrées étrangères réalistes (celles des Celtes) laissent la place à des pays peuplés d’étranges créatures anthropophages, qui ont tendance à confirmer l’existence des mythes traditionnels grecs, faisant de cette uchronie initialement historique un voyage proche de celui d’un Saint Brendan. Le dénouement lui-même est tout aussi surprenant, avec une série de révélations dont la dernière déçoit légèrement par son côté un peu trop proche de Matrix, avec un soupçon de Cube. Le roman n’en est pas moins très prenant et agréable à lire, tout au plus peut-on regretter, en dehors de l’aspect partiellement déjà vu du final, le fait que l’intrigue ne soit pas plus développée.