Contes et nouvelles de Jules Verne

Jules VERNE (1828-1905)

France

Ouest-France, 2000, 392 p.

Si les romans de ce grand auteur sont pour beaucoup entrés dans la culture générale, ses nouvelles restent encore particulièrement méconnues. L’initiative de Samuel Sadaune, qui vise à réunir en un seul recueil les nouvelles les plus marquantes de Verne, mérite donc d’être saluée. Le gros du volume est composé de l’anthologie Hier et demain, anthologie posthume que Michel Verne, le fils de l’écrivain, modifia pour sa publication en 1910. Mettons d’emblée de côté les nouvelles qui n’ont rien à voir avec les préoccupations de Wagoo, les " Souvenirs d’enfance et de jeunesse " (évocation de l’enfance nantaise de Jules Verne) et " Pierre-Jean ", récit d’évasion d’un bagnard, ainsi que les " Aventures de la Famille Raton ", histoire à mi-chemin entre le conte de fées et la fable, fort peu intéressante.

Le reste des titres s’apparente soit à la SF, soit au fantastique. Deux nouvelles autonomes entrent dans cette dernière catégorie : " Maitre Zacharius ou l’horloger qui avait perdu son âme ", une dénonciation de la vanité humaine sur le contrôle du temps bien trop chargée en religiosité, et " Frritt-Flacc ", critique de l’avarice en la personne d’un médecin qui se condamne lui-même. Ces deux textes, par leur style et leurs sujets, relèvent pleinement du fantastique du XIXème siècle. Ce n’est pas le cas des trois nouvelles de SF, bien plus novatrices. " Une fantaisie du docteur Ox ", en plus de faire preuve d’un certain humour, est une nouvelle critique de l’orgueil scientifique, incarné par Ox, un savant qui augmente la teneur en oxygène de la petite ville où il s’installe afin d’éveiller et d’exciter les ardeurs des habitants ; on remarquera néanmoins l’ambiguïté partielle du message, puisque cet essor des passions n’est pas que négatif, favorisant la création artistique et les initiatives en tout genre... " La journée d’un journaliste américain en 2890 ", écrite principalement par Michel Verne avec des corrections de son père (conservées dans la version que l’on découvre ici) met en scène le directeur du Earth Herald, journal parlé du futur, avec comme principal intérêt la description de divers progrès technologiques, parfois bien vus (transports, communications, équilibre militaire), parfois trop timides.

Mais la nouvelle la plus remarquable est sans conteste " L’éternel Adam ", qui apparaît ici sous son titre ultérieur d’ "Edom". Alors qu’on la pensait écrite au crépuscule de la vie de l’écrivain, en collaboration avec son fils, il semble désormais à peu près certain que Michel en soit le seul véritable auteur. Qu’importe, puisque la qualité de ce texte est reconnue. "Edom", c’est un témoignage retrouvé et interprété par les érudits d’une civilisation future, située quelque 20 000 ans après nous, et qui évoque la chute brutale et inattendue de tout un monde, de toute une société, les nôtres, pour des motifs strictement naturels et géologiques. Une vision particulièrement réaliste, évocatrice de cette histoire cyclique chère aux Grecs de l’Antiquité, et qui rompt avec l’optimisme qui semblait prédominer dans la carrière de Jules Verne, renouant ainsi avec la vision du Paris au XXème siècle. Un texte annonciateur des bouleversements de ce XXème siècle qui venait de s’ouvrir...