Accueil > TGBSF > N- > Nouvelle vie™
Nouvelle vie™
samedi 26 juin 2004, par
Pierre BORDAGE (1955-)
France, 2004
L’Atalante, 2004, 240 pages.
Pour la première fois, voici que L’Atalante nous propose le premier recueil de nouvelles du désormais reconnu Pierre Bordage, auteur de romans et de cycles majeurs tels Les guerriers du silence, Wang ou Les fables de l’Humpur. Et c’est toujours avec grand plaisir que l’on retrouve la plume séduisante et très humaine de Bordage. Treize textes sont au programme, tous parus auparavant sur des supports relativement divers (anthologie, site internet, journal, revue ou magazine), à l’exception de la nouvelle éponyme, inédite. Mettons d’emblée de côté deux récits anecdotiques, " Cheval de Troie ", très brève histoire à destination d’un jeune public célébrant les mérites de la lecture, et " Paix bien ordonnée ", parue dans l’anthologie de Librio Inventons la paix, qui confirme sa naïveté et son caractère moralisant appuyé...
Pour le reste, la grande majorité des nouvelles se situent dans une optique proche de celle du dernier roman en date de Bordage, L’ange de l’abîme, décrivant un avenir proche particulièrement sombre, gangrené par les pouvoirs économiques, les inégalités criantes et concentrées sur les aspects les plus négatifs de l’humanité. " Nouvelle vie " évoque ainsi la commercialisation du génome humain et la dégénérescence des liens familiaux ; " Ma main à couper " la perte de valeur de la vie humaine, susceptible de servir de gibier à des chasseurs en mal de sensations fortes ; " La classe de maître Moda " les ravages de la mentalité libérale et individualiste dans l’éducation ; " Kali la démente " l’émergence d’un nouveau genre de sérial-killer oh combien effrayant, et " Les frères du G5 ", sur une thématique voisine, la révolte d’une sous humanité clonée et exploitée ; " Jour de noces " l’impasse effrayante dans laquelle peut conduire le tout informatique...
Mais la nouvelle la plus extrême est sans doute " Dans le potager ", le réalisme et l’anticipation étant ici dépassés par un pessimisme profond sur la nature humaine, superficielle et moutonnière. Dans tous ces textes, Bordage sait manier avec talent l’art de la chute, rendant la lecture passionnante de bout en bout. Seul " Eurozone " est à cet égard nettement moins captivant. Quant aux trois derniers textes, " Godéron " est un amusant récit de chasse au trésor dans une communauté extra-terrestre, dans une veine proche de l’humour d’un Silverberg, tandis que " Juliet " est une ode à l’amour entre espèces différentes, manifeste pour une compréhension de l’altérité, tout comme le poignant " Tyho d’Ecce ", judicieusement placé en fin de volume, qui est une remarquable dénonciation des lobbies économiques et de l’absence d’intelligence de l’appareil militaire. Un recueil de qualité !