Accueil > TGBSF > T- > Terrassement
Terrassement
samedi 4 août 2001, par
Brian ALDISS (1925-2017)
Grande-Bretagne, 1965, Earthworks
Librairie des Champs Elysées, coll. Le Masque S.F., 1979
Voici un des romans de la première période d’écriture de Brian Aldiss, un des grands de la SF britannique de la seconde moitié du XXème siècle. Avant de publier la fameuse et indispensable trilogie d’Helliconia, et en parallèle de livres marquants (Croisière sans escale, Le monde vert), il se fendit de ce court roman qui peut s’apparenter au moins en partie à l’école catastrophiste anglaise (voir le significatif Terre brûlée de John Christopher). En effet, le monde décrit dans Terrassement est une Terre peuplée de plus de vingt milliards d’habitants, en proie à la sous-alimentation due à l’épuisement des sols ; un épuisement dont il faut chercher l’origine dans les dégats provoqués par l’agriculture intensive de notre propre époque. Ironie du sort, les pays riches, en particulier l’Europe et les Etats-Unis, qui avaient été en pointe dans ce productivisme effrené, se retrouvent tributaires de l’Afrique, qui est le continent ayant le moins épuisé ses sols.
C’est donc désormais dans les pays africains que le progrès technique est le plus avancé. Mais en Europe, par exemple, si la majorité de la population souffre de la faim, ce n’est pas le cas d’une minorité de propriétaires qui parvient toujours à s’engraisser en exploitant des ouvriers agricoles devenus de véritables esclaves, et en déversant une multitude de produits chimiques pour forcer les sols à produire quelque chose. Les seuls à rester à l’écart de ce système sont les voyageurs, des nomades rebelles en lutte contre ce système. Le parallèle avec le système capitaliste et les minorités qui y sont opposées est flagrant, en cette décennie agitée des années 60.
Quant au héros du roman, il s’agit d’un ancien travailleur agricole, devenu capitaine de navire, et qui souffre de schizophrénie. Une belle occasion pour Brian Aldiss de mettre en scène ses délires, exploitant le psychédélisme de la période et faisant ainsi clairement sentir son appartenance à la " tribu " réunie autour de la revue New Worlds, attachée à un renouvellement de l’écriture. Avec le recul, on peut trouver rébarbatif un tel procédé, ou annonciateur de bien des romans ultérieurs, beaucoup plus expérimentaux. Le lecteur moyen trouvera malgré tout de quoi se mettre sous la dent, avec un complot progressivement mis à jour, et qui vise à rien moins que provoquer une conflagration internationale permettant de mettre à bas le système inégal d’exploitation ; une issue qui évoque la stratégie préconisée au début des années 60 par le trotskyste sud-américain Juan Posadas : encourager un conflit atomique entre les Etats-Unis et les Etats bureaucratiques (Chine et URSS) afin de laisser la voie libre aux forces révolutionnaires pour construire le socialisme. Un roman mineur, donc, mais qui reste surtout intéressant pour ce qu’il révèle du contexte historique de sa rédaction.