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Psychohistoire en péril
mercredi 15 septembre 2004, par
Auteur : Donald KINGSBURY (1929-)
Pays : Canada, 2001, Psychohistorical crisis
Editeur : Gallimard, 2001, coll. "Folio", 2 volumes
Malgré son âge désormais avancé, Donald Kingsbury ne s’est jusqu’alors fait connaître chez nous que par un seul roman, Parade nuptiale, qui avait obtenu en son temps le prix Locus. Avec Psychohistoire en péril (abusivement divisé en deux volumes par Folio), il rend un hommage fort intéressant à l’œuvre du grand Isaac Asimov, plus particulièrement à son cycle de Fondation.
On connaissait déjà la trilogie des trois B, Benford (Fondation en péril), Bear (Fondation et chaos) et Brin (Le triomphe de Fondation), mais celle-ci se situait dans les interstices laissés par Asimov dans la vie de Seldon, le fondateur de la psychohistoire. Kingsbury choisit de s’en éloigner radicalement et situe son propos très loin dans l’avenir, 75 millénaires après notre époque, à l’époque du Second empire dont l’avènement est intervenu à la fin de la période de décadence prévue par Harri Seldon. Les psychohistoriens y sont devenus les membres d’une caste très fermée, qui est la vraie dirigeante de la galaxie, mais conserve jalousement ses secrets mathématiques : leur mise à la portée du commun des mortels risquerait en effet, selon eux, de fausser leurs prévisions. Face à ces héritiers de Seldon devenus extrêmement conservateurs, des organisations clandestines, les Smythosiens (du nom d’un dissident de la Seconde Fondation) et la Régulation, dont le but est de fomenter une révolution visant à renverser le pouvoir exclusif des psychohistoriens. Eron Osa en fait partie, et le roman commence d’ailleurs par son procès et sa condamnation, non pas à mort, mais à la perte de son fam.
Dans cet univers galactique, les individus sont en effet équipés de fams, c’est-à-dire d’un support électronique intégré directement dans la tête et visant à étendre les capacités cérébrales, en particulier de la mémoire. Cette touche de hard science, un genre que l’on retrouve à de nombreux moments au fil de l’intrigue, est une des différences entre Kingsbury et Asimov, en plus d’un style bien plus riche, voire touffu, que celui du maître (les détails en tout genre sur l’empire, son histoire, ses aspects matériels, ses planètes, abondent). Quant au destin d’Eron Osa, on le reconstitue comme lui peu à peu, en repartant de son enfance jusqu’à son accession au cercle fermé des meilleurs psychohistoriens, l’une des étapes essentielles étant sans aucun doute la découverte de la planète sur laquelle la Première Fondation avait exilé une cinquantaine de membres de la Seconde Fondation, membres qui avaient alors poursuivi la réflexion sur la psychohistoire...
Toutefois, le roman, dans sa seconde moitié surtout, tend à s’enfoncer dans des précisions et des discussions sans fin, souvent absconses et excessivement complexes, surtout au vu de la conclusion de l’intrigue, bienvenue mais sans génie particulier : pour survivre, la psychohistoire doit cesser d’être un ensemble mathématique réservé et sclérosé pour embrasser toute la galaxie dans une optique démocratique et évolutive. Malgré ses défauts et ses longueurs, Psychohistoire en péril s’avère constituer un prolongement inédit et intéressant à l’œuvre d’Asimov. Pour terminer, on notera une curiosité : le fait que Kingsbury remplace quasiment systématiquement les termes d’Asimov par d’autres. Seldon devient ainsi le Fondateur, le Mulet Cloun l’Obstiné, Trantor Sublime Sagesse, Terminus Lointaine, les psychohistoriens les psychialistes, etc... Est-ce pour illustrer le passage du temps, ou simplement pour un problème de droits ? De même, de par la chronologie fort utile qui figure à la fin du second volume (avec quelques documents sur les unités temporelles) et par la place importante tenue par le séjour de Eron Osa sur Ther (notre Terre), on peut penser que Kingsbury a utilisé le cycle de Fondation sans tenir compte de certains des ajouts postérieurs d’Asimov, Terre et Fondation essentiellement, dans la mesure où la Terre originelle y était totalement inhabitable... et inhabitée, donc !