Le temps n’a pas d’odeur

Gérard KLEIN (1937-)

France, 1963

Initialement publié en 1963 chez Denoël, Le temps n’a pas d’odeur fait partie des rares romans écrits par Gérard Klein, ainsi qu’il le rappelle lui-même non sans malice dans sa préface, retraçant également son itinéraire professionnel. Si Le gambit des étoiles reste pour beaucoup de gens son chef d’œuvre, Le temps n’a pas d’odeur n’en présente pas moins un indéniable intérêt.

En 3161, une bonne partie de l’univers est sous la domination de l’Arque, un pouvoir aussi mystérieux qu’omnipotent, qui assure le maintien de sa domination grâce au procédé de voyage temporel. Régulièrement, des unités d’élite sont ainsi envoyées dans le passé afin de trancher à la racine de futurs dangers susceptibles de remettre en cause le monopole de l’Arque. C’est par la présentation des sept membres d’une de ces unités que commence le roman. Chargés de court-circuiter la civilisation de la planète Ygone, ces guerriers surentraînés et suréquipés vont subir de mystérieux dysfonctionnements de leur matériel et même encaisser des attaques de haute volée qui n’étaient absolument pas prévues... Leur chef, Jorgenssen, en allant à la rencontre des autochtones, va peu à peu suivre un parcours initiatique en étant guidé par le doute, pour finalement remettre en cause le totalitarisme de l’Arque. Les jeux de logique avec le temps, bien présents, en particulier à travers la figure de l’inventeur du procédé de voyage dans l’espace-temps, ne constituent pas pour autant le cœur de ce court roman.

En fait, à travers cette remise en cause des certitudes d’un soldat dévoué, Gérard Klein trace un parallèle avec le doute qui a progressivement envahi une partie du contingent français envoyé en Algérie quelques années auparavant. Plus, en traçant le portrait de la civilisation d’Ygone, il défend l’idée d’une utopie écologique, dans laquelle les structures familiales sont bien plus larges et souples que les nôtres, et au sein de laquelle l’objectif majeur est plutôt l’épanouissement individuel et collectif que la satisfaction d’une consommation matérielle débridée : une nette anticipation des désirs qui exploseront en mai 1968 ! Une réédition véritablement bienvenue !