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Etonnants voyageurs - Utopies SF

dimanche 28 mai 2000, par Maestro

Michel LE BRIS

France, 2000

Hoëbeke, 300 p.

Cette anthologie est le complément indispensable de celle qui est parue chez Librio, Le futur a déjà commencé ; toutes deux sont en effet coordonnées par Michel Le Bris, qui les a réalisé au nom du festival annuel qu’il dirige à Saint Malo, « Etonnants Voyageurs ». Toutefois, le thème choisi, celui des utopies SF, est illustré de manière plutôt curieuse. Tout d’abord, les nouvelles sélectionnées oscillent entre le monde anglo-saxon, principalement, et la France, ces dernières datant au plus tard de 1998, tandis que la plupart des premières sont plus anciennes, la palme revenant à Bradbury avec un texte de 1954. Pourquoi n’avoir pas essayé de réaliser un recueil un peu plus homogène, en s’adressant directement à des auteurs de SF, par exemple ? Mais ce qui est plus gênant, c’est le fait que toutes les nouvelles ne répondent pas au thème choisi.

Un certain nombre de récits correspondent ainsi beaucoup plus aux dystopies qu’aux utopies, avec leur portrait d’un futur sombre et/ou tragique. C’est le cas de « Service de réanimation », de J.G. Ballard, effrayant tableau de l’isolement de plus en plus complet des individus, qui n’est pas sans évoquer, en plus noir, le mode de vie des Solariens d’Isaac Asimov. Richard Matheson, avec « B... », nous décrit l’horreur d’un monde où la b..... a disparu, et est devenue une véritable obscénité. Norman Spinrad, lui, expose les ravages d’un monde où les drogues sont devenues aussi courantes que l’eau que l’on boit, dans « Nulle part où aller ». « Les bannis », de Ray Bradbury, est un joli texte, un conte sur la disparition de l’imaginaire et de la fantaisie dans un monde futur. Avec « Chassé-croisé dans le monde du Mardi », Philip Jose Farmer évoque de façon indirecte les problèmes de surpopulation et de chômage, à travers la tragédie individuelle d’un individu amoureux d’une jeune femme qui appartient à un autre jour que lui...

D’autres nouvelles se penchent sur des destins individuels, ou sur les difficultés que pose la vie en petite communauté, sans pour autant que cela mette en jeu l’avenir du monde. Ainsi, « Plus vaste qu’un empire », de Ursula K. Le Guin, part du principe qu’une expédition spatiale qui doit découvrir de nouveaux mondes doit être composée de personnes pas si équilibrées que ça ; son récit est l’occasion d’une belle parabole sur la différence, l’acceptation de l’autre. Dans « Longue Vie », de Laurent Genefort, on assiste au dénouement d’un jeu, conçu pour distraire de lointains colons, et qui a comme but la mort de l’autre. « Les merveilles de l’univers », de l’allemand Andreas Eschbach, est une réflexion sur les derniers instants d’une astronaute échouée sur une des lunes de Jupiter, qui évoque la nouvelle « Kaléïdoscope » de Ray Bradbury. « Le rayon de Schwarzschild », de Connie Willis, est une curieuse variation sur le thème des trous noirs et de la capture du temps lui-même [1]. Quant à « Godéron », de Pierre Bordage, sa chute donne une impression de déjà vu.

En fait, on pourrait presque dire que seules deux nouvelles répondent au thème de couverture de l’anthologie, avec la part de rêve qui va avec. Mais celle de Mike Resnick, « Toucher le ciel », laisse un goût amer : elle met en effet en scène une utopie réactionnaire (au sens premier du terme), puisqu’il s’agit d’un retour de certains habitants du Kenya au mode de vie qui était le leur avant l’arrivée des Européens, dans le cadre de ce qui ressemble plutôt à une réserve, et où lecture et écriture sont interdits à tous, sauf aux rares sages ; inutile de dire que le statut de la femme est tout sauf enviable. Simplement, on aimerait lire quelques autres textes de l’auteur afin de voir s’il s’agit de premier ou, comme nous préférons le penser, de second degré [2]. C’est donc le dernier texte, « A bord des grands astronefs », de Jean-Marc Ligny, qui se rattache le plus au thème de l’utopie. Il est en effet un appel à la survivance de l’espoir et d’objectifs qui, s’ils paraissent démesurés, permettent d’essayer de se dépasser, soi-même et collectivement. On reste donc dubitatif quant à la pertinence globale de l’anthologie, même si les nouvelles qu’elle contient sont souvent intéressantes prises isolément...


[1Cette nouvelle figure aussi dans le recueil Aux confins de l’étrange

[2En fait, ce texte appartient à un ensemble de nouvelles qui construisent une utopie africaine reposant sur le mode de vie traditionnel d’une éthnie kenyane. Cf. Kirinyaga

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