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La voix des dauphins

lundi 15 décembre 2003, par Maestro

Léo SZILARD (1898-1964)

Hongrie / Etats-Unis, 1961, The Voice of the Dolphins and Others Stories

Denoël, coll. "Présence du futur"

Leo Szilard est surtout connu pour être un des scientifiques ayant présidé à l’élaboration de la première bombe atomique aux Etats-Unis, non sans prendre position par la suite contre son utilisation sur des cibles civiles. Mais Szilard a également rédigé des nouvelles de science-fiction, un moyen pour lui d’exprimer ses convictions pacifistes, son pessimisme vis-à-vis du risque de conflagration nucléaire et son propre sentiment de culpabilité. C’est particulièrement visible dans le texte autobiographique " Mon procès comme criminel de guerre ", qui imagine la mise en jugement d’un certain nombre de responsables politiques et scientifiques américains suite à la victoire de l’URSS sur les Etats-Unis, et égratigne au passage toute l’ambiguïté et la duplicité dont peut faire preuve l’exercice de la justice.

La plupart des nouvelles sont plutôt des signaux d’alarme que Szilard tire quant au risque pour l’humanité (et au-delà !) de l’utilisation de l’arme nucléaire. Dans " Cauchemar pour le temps futur ", il évoque l’extinction programmée de l’espèce humaine par la stérilité des hommes, due aux retombées radioactives, et que ne peut enrayer la salutaire prise du pouvoir par les femmes. Dans " Appel aux étoiles ", c’est une curieuse forme de vie spirituelle (insuffisamment développée, malheureusement) qui s’interroge sur les motivations ayant pu conduire les occupants de la planète Terre à manipuler l’uranium. Enfin, dans le " Rapport sur la " grande gare centrale " ", des extra-terrestres effectuent des fouilles archéologiques sur notre sol, dont a disparu toute forme de vie suite à une extermination réciproque des deux grandes puissances ; l’humour vient atténuer ce terrible constat, puisque Szilard imagine les hypothèses et les théories farfelues que ces explorateurs du futur ont pu déduire de leurs découvertes, anticipant sur La civilisation perdue de David Macaulay.

Autre développement humoristique, celui de " La fondation Mark Gable ", qui met en scène un proche avenir que découvre un homme cryogénisé, un avenir dans lequel les chômeurs sont mis en hibernation en attendant une meilleure conjoncture, où les dents ont disparu face à la production des assiettes à mastiquer de Ford et où l’argent investi peut servir à ralentir le progrès scientifique ! Terrible tableau de la dérive libérale dans laquelle nous sommes actuellement engagés à plein. Mais la nouvelle la plus longue est " La voix des dauphins ", un long exposé quelque peu soporifique sur l’évolution des relations entre les Etats-Unis et l’URSS (avec une bonne anticipation des progrès de la dissuasion mutuelle) et plus généralement de la géopolitique mondiale, une profession de foi pacifiste sans être idéaliste, dont l’optimisme, exprimé à travers le vecteur de l’intelligence des dauphins, s’appuie en fait sur la sagesse des savants, un ton en-dessous de La République de Platon. Des textes globalement secondaires, mais qui témoignent à merveille des inquiétudes d’une époque de notre histoire.

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