THE ISLAND

Michael BAY (1965-)

États-Unis, 2005

Ewan McGregor, Scarlett Johansson, Sean Bean, Steve Buscemi, Djimon Hounsou

Lincoln 6 Echo et Jordan 2 Delta vivent avec des milliers d’autres coupés du monde extérieur qu’un virus a contaminé. Dans ce monde aseptisé où ils évoluent tout de blanc vêtu, les contacts humains évitent d’être tactiles ; les sexes sont séparés et l’acte sexuel ne viendrait même pas à l’idée des deux amis parce que il ne fait pas partie de leur rééducation. Du monde extérieur, ils ne conservent que quelques souvenirs mais peuvent constater sa dangerosité lorsqu’arrivent, régulièrement et un par un, les survivants qu’il faut rééduquer comme s’ils étaient de jeunes enfants. Tout aussi régulièrement une loterie désigne un heureux gagnant (ou gagnante) pour aller sur l’île, seul espace de la planète ayant échappé à la contamination, un paradis terrestre. Lincoln se pose beaucoup de questions, fait des rêves étranges et finit, le jour où Jordan gagne à la loterie, par s’introduire dans l’infrastructure des bâtiments pour découvrir qu’en réalité les heureux gagnants sont destinés à être charcutés ou éliminés après avoir donné naissance à un enfant. Bref, comme son ami McCord le leur apprend après la fuite des deux amis, ils sont des clones, des pièces de rechanges pour leurs originaux. Commence alors une course poursuite pour dénoncer cette horreur.

The Island ne manquera pas de rappeler d’autres films aux afficionados de la S.F.. Plutôt que Bienvenue à Gattaca (Andrew Niccol, 1998) c’est d’abord à THX 1138 (George Lucas, 1973) qu’il faut penser, la société aseptisée mise en scène par Bay tenant davantage de la société policière de THX qu’aux tentatives de dissimulation génétique d’Ethan Hawke. Lorsque le rythme s’accélère et que Lincoln 6 et Jordan 2 se font la malle, l’esprit du spectateur, prétentieux et fier de ses références cinématographiques, se remémore L’âge de cristal (Michael Anderson, 1973) dont le titre original, Logan’s Run, renvoyait mieux au scénario. De fait, c’est un Lincoln’s Run que Michael Bay propose.

Car c’est essentiellement à une course poursuite que l’on assiste, avec toutes les invraisemblances des blockbusters américains comme la chute le long de la façade d’un gratte-ciel et les SDM (scènes de destructions massives, voyons !) sur route. Sur ce point, il n’y a pas grand chose de nouveau. Quelques trouvailles scénaristiques comme le personnage de Mc Cord (Steve Buscemi) et surtout la rencontre entre le clone Lincoln et son original rendent le film intéressant, quoique pas novateur, mais sont entâchées de fautes de goûts comme le sponsoring que l’on espère poussé à son paroxysme (citons en vrac et sans doute parmi de nombreuses autres marques, les apparitions de Puma, Champion USA... etc). et des habituelles erreurs de logique dans des films à l’univers compliqué.

Pourtant, The Island diffère de A l’aube du sixième jour (Spottiswood, 2000), marquant une évolution dans la réflexion sur le clonage. Le film de Spottiswoode s’inquiétait du remplacement des individus, posait un malaise identitaire lié à l’unicité de la personne. Dans le film de Bay, bien que le président des Etats-Unis dispose d’un clone, le problème est autre et se fonde sur le droit à la vie et à la liberté de tout être humain. D’une part, une telle différence semble indiquer une prise de conscience accrue des problèmes du clonage et de ses possibilités ; d’autre part, on peut se demander si The Island ne véhicule pas un message anti-abortif. L’éventrement des poches contenant les clones correspondrait à ceux de placentas et sont assimilés ni plus ni moins à des meurtres. Derrière ce film de science-action bien interprêté et, à la différence d’Armageddon (Michael Bay, 1998) dénué de patriotisme, ne se cacherait-il pas un message particulièrement conservateur ?