Accueil > CINECSTASY > V > V POUR VENDETTA
V POUR VENDETTA
Veni Vidi Vici
dimanche 23 avril 2006, par
James McTEIGUE
Etats-Unis & Allemagne, 2006
Hugo Weaving, Natalie Portman, John Hurt, Stephen Rean Stephen Fry, Tim Piggot-Smith, Roger Allam
Qu’Alan More, qui a écrit le scénario de la BD V pour Vendetta (1982-1988), n’en ait pas approuvé l’adaptation de James McTeigue et des frères Wachowski ne doit pas faire fuir le film par les inconditionnels de la BD. Certes, n’ayant pas (encore) lu l’oeuvre de More et de David Lloyd, son principal dessinateur, je ne saurais le vidimer. Il faut cependant prendre en compte que jusqu’à présent Alan More n’a jamais approuvé les différentes visions cinématographiques de ses oeuvres, pas même celle de From Hell (1991-1998) par les frères Hughes en 2001. En outre, David Lloyd, le dessinateur, a participé au scénario du film V pour Vendetta, ce qui ne prouve rien cependant.
Dans la première moitié du XXIe siècle, à la faveur des peurs sécuritaires de la population, un régime ultra-conservateur nationaliste et policier s’est établi en Grande-Bretagne avec la victoire électorale d’Adam Sutler (à ne pas confondre avec Adam Sandler qui lui établit un autre genre de régime). Proclamé chancelier, Sutler institue une dictature reposant sur le contrôle médiatique, la délation, la surveillance et surtout sur une police politique et morale particulièrement efficace qui constitue les Doigts du chancelier. Dans cette Angleterre futuriste, la loi instaure un ordre puritain rigoureux proscrivant tous les comportements déviants moraux, sexuels ou religieux. Les oeuvres d’art, les livres, la musique, lorsqu’ils sont jugés immoraux, sont mis à l’index. Mais un 5 novembre, après avoir sauvé du viol la jeune Evey Hammond, un étrange personnage fait sauter l’Old Bailey, la cour criminelle suprême de Grande-Bretagne, et donne rendez-vous à ses compatriotes le 5 novembre suivant pour faire sauter le Parlement et renverser ainsi la dictature. Pendant un an, alors que la police, en la personne de l’inspecteur en chef Finch, et les Doigts le traquent, l’homme masqué qui se fait appeler V accomplit ce qui est pour lui une vengeance, une vendetta. Pendant un an, la jeune Evey Hammond tente pour sa part d’échapper à la vigilance policière. Le 5 novembre venu....
Le parallèle évident du régime de Sutler avec celui du Big Brother de 1984 de George Orwell ne pourra manquer d’être fait, notamment pour certains détails comme l’utilisation de la télévision, le contrôle de l’information et l’espionnage permanent de la population. Il est cependant évident que l’influence historique des régimes totalitaires est pregnante dans la représentation iconographique de l’appareil sutlerien.
Il est une référence historique incontournable qu’il faudra bien expliquer pour comprendre le film sans en détourner la portée, c’est la conspiration des poudres de Guy Fawkes. En 1605, des conspirateurs catholiques entendaient protester contre la politique religieuse du roi James I en faisant sauter le Parlement, le catholicisme étant alors proscrit en Angleterre car symbole de l’intolérance de Rome. Déjouée le 5 novembre 1605, la conspiration des poudres donne lieu encore aujourd’hui à des festivités en l’honneur d’une liberté religieuse préservée, alors que, paradoxalement, Guy Fawkes revendiquait la liberté religieuse. C’est de ce personnage que le dénommé V s’inspire, cette fois au nom de la Liberté.
Rien de nouveau pourra-t-on dire. La grosse machine hollywoodienne vend son sempiternel verbiage sur la lutte pour la liberté et les gauchistes européens bas de plafond protesteront avec virulence devant sa vacuité face aux inégalités sociales et à la précarité. Sauf qu’il y a un fond de discours anarchiste dans ce film, du genre de celui nécessaire à la démocratie, du genre de ceux qui rappelle qu’un gouvernement est là pour faire le bien du peuple et non le peuple pour faire le bien du gouvernement. Loin de livrer une vision utopique du combat, le personnage V est toute ambiguïté : il lutte pour la liberté et pour se venger. Tous les moyens lui sont bons. Magistralement interprété par Hugo Weaving qui lui donne d’abord une voix extra-ordinaire servie par un vocable de qualité, V est un personnage énigmatique, inspiré d’Edmond Dantès, comte de Monte-Cristo, et qui garde ses secrets, mais aussi de Zorro.
On pourra reprocher à V pour Vendetta de céder à la mode des combats et des arts martiaux, des ralentis bullet time qui rappellent que James McTeigue était assistant réalisateur sur Matrix. Néanmoins, pour son premier film, on ne peut dire pourtant qu’il abuse de ces facilités et V virevolte sans être ridicule. Seule l’intrigue amoureuse semble ici inutile et peu cohérente, répondant à la seule envie de combler un aspect manquant dans le scénario.
Celui-ci reste l’atout principal du film et un outil parfaitement maîtrisé dans ses moindres détails (par deux fois, j’ai cru déceler une image illogique et me suis vu détrompé par la suite des événements). V pour vendetta est véritablement un objet visuel de valeur, vivifiant, à voir.
Messages
1. V POUR VENDETTA, 22 septembre 2009, 09:10, par Exar
Je ne sais pas pourquoi j’ai été un peu déçu par ce film (traduction : je l’ai bien aimé mais pas autant que prévu). Le fait de le voir en version française a sûrement aidé, mais je doute que ce soit l’unique raison. Outre les points positifs exposés dans votre critique que je partage, certains aspects (détails diront certains) m’ont déplu. Je suis toujours ennuyé lors de l’apparition d’un cliché à l’écran, surtout quand le film est présenté comme LE film de l’année. Et navré de dire que V pour Vendetta en compte plus d’un. Alors, oui il faut vendre, oui il faut plaire, oui il faut faire de l’Hollywood, mais bon à la fin ça devient lourd et surtout le film perd en crédibilité ce qu’il gagne en nanardise et/ou en poncifs emmerdants.
En vrac :
1. Critique (facile) du totalitarisme. 1984, Le meilleur des mondes, Les guerriers du silence, Wang, Equilibrium, tous les films de nazixploitation (je regroupe sinon j’en ai pour trente ans à tous les nommer) sans parler de tous les navets plus ou moins fades où l’"ordre établi" est forcément mauvais et l’autorité pas belle-méchante-poilue*. C’est du vu, revu, archi-revu, matraqué tous les jours que le Bon Dieu fait et je m’en lasse de plus en plus rapidement. Certes la BD est sortie à la fin de la Guerre Froide, c’était alors peut-être encore d’actualité. A l’époque où le film est sorti ça ne l’était plus et le filon déjà surexploité.
2. Il ne peut se passer un film parlant d’un gouvernement méchant-pas beau, forcément occidental, sans qu’on ait droit au sempiternel couplet sur les abus de la religion, forcément Chrétienne (je tiens au "C", vous me pardonnerez). Et oui, tous les évêques sont des pédophiles c’est connu. D’ailleurs on se demande bien comment ils font pour pulluler dans le futur quand on voit ce qu’ils se prennent sur la gueule partout dans le monde civilisé (ou pas) de nos jours. Serait-ce le petit côté SF du film ?
3. Quand je vois la manière dont les russes se sont occupés de la révolte en Hongrie en 1956, le gouvernement anglais qui fait machine arrière au dernier moment paraît du plus improbable. Réfléchissons, ils ont répandu dans leur propre pays un virus qui a tué je ne sais combien de gens, fait une épuration ethnique, imposé la loi martial, liquidé tous leurs opposants, muselé les médias, violé Casimir, les petites filles et on espère aussi les petits garçons au nom de l’égalité des sexes... Et ils ne vont pas tirer sur une foule de quelques protestataires masqués ? Voyons... SF, si tu nous regardes.
4. Que de belles méthodes d’interrogatoires que voilà ! Tête rasée (je n’ai pas vu d’allemands dans ce film pourtant) et la bonne vieille baignoire. Quoi ?! Pas de viol ? Pas de tabassage en règle (les bottes dans la tronche, les coups de pelles ou de matraques) ? Pas de doigts coupés ni de dents arrachées ? Pas d’électrodes sur les tétons ni sur la langue (ni autre part là où ça fait du bien) ? Pas de perceuse dans les genoux ni les mains ? Mais où va le monde ?! Dans le futur ils ne savent plus rigoler comme au bon vieux temps ? Vraiment, je suis plus que déçu par ces méthodes mignonnettes et aseptisées à la Hostel. Ferait beau voir d’abîmer une jolie fille (qui de toute façon va finir avec une balle dans la tête), ou choquer le bourgeois qui regarde cette scène de unspeakable horror. En plus leur méthode de waterboarding, c’est de la merde. La CIA aurait pu les renseigner...
5. La révolution finale est pacifique, comme d’ailleurs toutes les révolutions c’est tellement connu ! Avez-vous vu un seul citoyen attaquer un soldat ? A croire que si le film ne s’était pas arrêté là, ceux qui ont oppressé se serait fait serrer la main (et plus si affinités) par leurs anciennes victimes. Ils auraient eu à cœur, tous ensemble, de reconstruire un monde meilleur dénué de tout ressentiment et n’auraient sûrement pas fait de purges inverses, car ils sont tellement meilleurs dans le fond. A la (vraie) fin, tout le monde vit heureux, les petits oiseaux chantent, le soleil brille et les drogues rendent tout le monde peace and love. Youpi matin, bisounours et télétubbies. Fallait visiblement une happy end pour que les investisseurs s’engagent, je ne vois pas d’autre explication. A ce niveau on est au-delà de la SF... Donc SF, si tu nous regardes, c’est pas pour toi.
Quelques autres points négatifs, en vrac toujours :
1. Je ne sais pas pourquoi mais j’ai trouvé le parallèle entre V et son histoire pas particulièrement crédible. Je m’explique : il veut se venger mais pour autant il lui manque une certaine folie meurtrière. Il semble trop... détaché. Il parle (très) bien, il est (très) malin et il arrive à ses fins. Comment peut-on être détaché dans son cas ? A croire que son expérience l’a rendu zen. Allez vous faire torturer, servez de cobaye dans un laboratoire ultra-secret et non content d’être immunisé contre un méchant virus fachiste, vous deviendrez aussi philosophe, artiste, musicien, poète, expert en arts martiaux et artificier. On devrait vendre cette idée dans nos banlieues tiens...
2. Je me demande bien à quoi sert Natalie Portman dans le film sinon à faire le side-kick de V. L’histoire d’amour étant hors sujet tout au long de l’histoire, ça limite grandement l’intérêt d’une femme (désolé pour celles qui me lisent). Mais bon, c’est vrai, c’est plus joli à regarder et il fallait un narrateur.
3. Natalie Portman (encore elle) fringuée en gamine de 10 ans c’est crédible comme un Black Panther à un meeting du Ku Klux Klan. Grave erreur de la part de la production ! Enfin voyons, n’importe quel évêque les aurais corrigé. Tout le monde sait bien que les Chrétiens** préfèrent les petits garçons de 7 ans. Enfin quand même, le vilain-méchant-poilu pédophile devait avoir consommé des stupéfiants à mettre sur orbite une colonie d’ours polaires pour tomber dans un piège pareil.
J’ai aimé ce film (on ne dirait pas mais je vous assure que je l’ai aimé), essentiellement pour ses aspects visuels et le jeu des acteurs qui sont vraiment bons. Le scénario est bien ficelé et rien n’y est simple. Malheureusement, le sujet était très casse gueule et le réalisateur n’a pas pu s’empêcher de faire du politiquement correct hollywoodien (choix ou obligation, qui sait...). Petit échec à mon sens, du aux poncifs anarcho-boboïsants ruinant ce qui était une si bonne idée de départ. Il me faut impérativement le revoir en VO et lire la BD.
* : Les méchants à poils (courts et longs) feront l’objet d’une étude ultérieure.
** : Pardon pour les parpaillots et autres hérétiques qui me lisent mais je vous considère aussi de la partie :p.