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La cigale chantera-t-elle tout l’été ?
samedi 16 septembre 2006, par
François DIBOT
France, 2005
Les éditions libertaires, collection "Nos futurs", 160 p.
Pour la première fois, les éditions libertaires, en lieu et place des traditionnelles brochures anarchistes ou évocations historiques, publient un recueil de nouvelles de science-fiction, écrites par un auteur libertaire. Ce faisant, la science-fiction remplit son rôle traditionnel, celui de dénoncer un présent à travers l’évocation d’un futur imaginé, ce qui fait de la préface des éditeurs une singulière marque de présomption, eux qui écrivent que « (...) ces nouvelles constituent tout à la fois le chant du cygne de la Science Fiction d’antan et l’aurore d’une Science Fiction d’aujourd’hui (...) » [soulignés par eux], d’autant que François Dibot n’est pas isolé dans son écriture militante.
Qu’en est-il justement de ces récits ? Tous sont écrits avec un certain talent, et une indéniable capacité à trousser des jeux de mots souvent stimulants. Mais leur dénominateur commun est un certain pessimisme sur la situation actuelle et les ravages du néo-libéralisme. « Je mets les pieds dans les plats de mon père » met ainsi en scène, dans un proche avenir, un fils qui retrouve la maison de son père après la mort de celui-ci. C’est pour lui l’occasion de réfléchir aux enseignements de son géniteur, militant anti libéral, et ses propres choix de vie, moulés dans une société où la publicité est plus omniprésente que jamais et où les services, à commencer par l’éducation, sont devenus de pures marchandises, obligeant leurs pourvoyeurs à devenir nomades. De même, « G-8 » étend l’exploitation capitaliste dans l’espace, avec la recherche de minerais dans la ceinture d’astéroïdes, et illustre à merveille comment le système a la capacité d’instrumentaliser ses oppositions pour donner l’impression d’un semblant de liberté...
« La femme à venir est un homme ! », pour sa part, est une critique des excès d’un certain féminisme, critique peut-être quelque peu dépassée désormais, et qui aurait été mieux à sa place dans les années 70. « Eve, angélique... » (sic !) est plus optimiste, mais en se contentant d’une métaphore transparente du système capitaliste néo libéral attribué à des extra-terrestres aux fins d’utilisation purement économique de la Terre et de ses habitants, une politique contestée par des opposants extra-terrestres libertaires... Un message pour le moins prévisible. Au contraire, « Jeu » et son éloge de la révolte à travers les visions d’une femme capable de peindre des scènes d’avenir et incapable de vivre l’histoire d’amour qu’elle met en couleurs, témoigne d’une belle sensibilité poétique.
« 49-3 », enfin, fait pour sa part preuve d’un ton nettement plus drôle et savoureux, en présentant les dangers des OGM via les débats et les tensions d’un potager devenu intelligent : les espèces génétiquement modifiées y réclament en effet une prédominance du fait de leur prétendue supériorité, et les réactions des autres légumes sont autant d’occasions d’illustrer les diverses tendances idéologiques de nos concitoyens, d’un désir de tolérance et de cohabitation jusqu’à des formes variées de racisme. Voilà une bonne occasion de relativiser certains débats franco-français ! Un recueil qui, sans être un chef d’œuvre, est un intéressant représentant de la frange la plus engagée de la SF francophone