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LES FILS DE L’HOMME

Si tu peux supporter tes vérités bien nettes...tu seras un Homme, mon fils.

samedi 11 novembre 2006, par Maestro

Alfonso CUARON (1961-)

Grande-Bretagne, 2006, Children of Men

Clive Owen, Claire Hope-Ashitey, Julianne Moore, Michael Caine, Pam Ferris, Chiwetel Ejiofor

Adapté d’un roman de P.D. James [1], ce métrage s’inscrit dans la lignée de films dystopiques comme Soleil Vert, Le survivant ou, plus proches de nous, Equilibrium et V pour Vendetta. Le monde décrit est en effet particulièrement sombre, déprimant, même. En 2027, l’humanité se meurt : depuis dix-huit ans, les femmes sont toutes devenues stériles pour des raisons inconnues, mais que l’on devine liées à la pollution et aux manipulations du vivant. Privée de jeunesse, et donc d’espoir, la société se délite, et tandis que la majorité des pays sombre dans le chaos, la Grande Bretagne parvient à conserver un semblant d’organisation. Mais à quel prix : l’Etat, devenu policier, pourchasse les immigrés clandestins pour les parquer et les renvoyer dans leurs contrées de départ, quand ils ne se font pas massacrer par des policier tortionnaires ; il n’hésite pas à fomenter lui-même des attentats afin de souder la population à lui, ajoutant ainsi sa pierre aux menées terroristes de diverses origines, et propose même des antidépresseurs et des kits de suicide à ses administrés !

Quant à la fracture sociale, elle n’a fait que s’accroître, les quartiers populaires ayant vu leurs difficultés quotidiennes s’aggraver tandis que les riches parviennent à vivre à l’écart, dans un splendide isolement. Dans ce monde à l’agonie, Théo, un ancien activiste politique rangé des voitures depuis la mort de son fils, fonctionnaire lambda qui s’adonne à la boisson, va se retrouver embarqué dans une course poursuite périlleuse afin de sauver des griffes du gouvernement la première femme enceinte depuis des années, qui se trouve, ironie du sort, être une immigrée clandestine...

Nul doute qu’Alfonso Cuaron possède un réel talent de mise en scène : le film ne souffre d’aucune longueur, et l’action, régulière et haletante, caméra subjective à l’appui, sait se faire explosive et nous surprendre à plusieurs reprises. Notons en passant la prédilection qu’il semble également avoir pour la musique des années 70, puisque outre le mythique In the Court of the Crimson King de King Crimson utilisé en bande sonore, on a droit à Hush de Deep Purple sur la radio de Jasper, le vieil ermite ami de Théo, et à un clin d’œil au Pink Floyd d’Animals avec l’arche des arts, installée dans l’usine pourvue du célèbre cochon volant illustrant la pochette de ce même album...

Par ailleurs, la noirceur de son film sonne bien sûr comme un avertissement en ce début de XXIème siècle. Tous les principaux sujets d’inquiétude qui sont actuellement les nôtres sont en effet approfondis jusqu’à devenir presque insurmontables : terrorisme, manipulations génétiques, surveillance de tout un chacun, contrôle des flux d’immigration, pollution industrielle, insécurité et délinquance, dissociation définitive des riches et des pauvres, etc... C’est ce qui le rend plus proche de nous et donc plus effrayant qu’Equilibrium, mais aussi bien plus négatif que V pour Vendetta. C’est d’ailleurs un des reproches que l’on peut lui faire, l’absence presque complète d’espoir. Malgré la réapparition isolée de la vie, la mort est partout, et même les groupes de résistance au gouvernement singent ses méthodes inhumaines ; la fin trop abrupte ne nous permet pas, à cet égard, de nous prononcer sur la nature de Renouveau planétaire.

Ce qui nous amène à un autre reproche majeur, celui de la superficialité politique. Outre le silence presque total sur ce qui a amené le monde dans cette situation dramatique (sans doute pour laisser le spectateur considérer qu’elle n’est que la résultante logique d’évolution en cours), le groupe des poissons (pourquoi ce nom, au passage ?) ne semble défendre qu’une seule revendication, celle de l’égalité des droits entre Britanniques et immigrés. De l’ensemble de leurs analyses, de leur corpus idéologique et de leur programme, rien. Il en est de même pour Théo. Qualifié d’activiste par son ex-femme et par Jasper, on ne saura jamais quel était son engagement exact, alors que quelques flash-backs auraient été un moyen idéal pour ce faire. Reste un film coup de poing, indicateur général de ce qu’il faut éviter sans fournir de solution...


[1Le film s’avère d’ailleurs assez différent du roman original. Par exemple, ce ne sont pas les femmes qui sont stériles dans le livre, ce que laisse suggérer le film, mais surtout la femme enceinte n’est pas la même.

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