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DEJA VU

... et à ne pas voir !

samedi 30 décembre 2006, par von Bek

Tony SCOTT (1944-2012)

Etats-Unis, 2006

avec : Denzel Washington, Paula Patton, Val Kilmer, Jim Caviezel

A première vue et selon un magazine de cinéma français [1], Déjà vu est un thriller limite SF. C’est d’ailleurs ce que voulait Tony Scott qui a atténué cet aspect au maximum à en croire une interview publiée dans le même magazine [2], « afin de rester en contact avec la réalité d’aujourd’hui et de gagner en crédibilité et réalisme ». Une fois le film vu, on mesure pleinement l’audace et la bêtise du réalisateur des Prédateurs (1983).

Agent fédéral de la brigade ATF [3] de la Nouvelle-Orléans, Doug Carlin se trouve chargé de l’enquête sur un attentat terroriste commis contre un ferry bondé. Il est rapidement intrigué par le cadavre d’une séduisante jeune femme noire retrouvé dans un lieu incongru mais présentant les mêmes stigmates que ceux produit par l’attentat. Vu l’importance du drame, le FBI déploie tous ses moyens, y compris un appareillage top secret permettant de visualiser les événements survenus 4 jours et 6 heures auparavant à n’importe quel endroit dans une aire donnée mais à une seule et unique reprise (sinon cela serait trop facile). Grâce à la jeune femme, l’équipe fédérale multi-agences (ça c’est de la SF !) suit pas à pas les événements antérieurs et, devant les impasses qui se dressent, tente aussi d’intervenir dans le passé. Mais peut-on le modifier ?

Résumé ainsi, le scénario a quelque chose d’attirant pour le fan de SF qui se demandera longtemps ce que Marc Toullec, journaliste de Cinélive, entendait par « limite SF »... De fait, on retrouve les éléments de l’histoire temporelle à l’exception du plus important celui du paradoxe temporel, ou, dans le cas précis, Denzel Washington peut-il se promener dans une ville où son passé existe déjà au risque de se rencontrer lui-même [4] ? Tout cela est donc du déjà vu pour les adeptes du genre et il n’y a pas de quoi s’extasier, à l’instar du producteur Jerry Bruckheimer [5], sur les détails du scénario où rien n’est laissé au hasard.

Déplorons plutôt que Tony Scott ait, comme il dit, atténué l’aspect SF même s’il évoque les trous de vers de Lorentz pour expliquer le voyage temporel. Tout ce pan sombre dans la banalité et le ridicule, lorsqu’est évacuée la question de la possibilité de modifier le passé ou encore lorsque Doug Carline s’installe dans ce qui tient plus du four à micro-onde que de la machine à voyager dans le temps. Seule la filature temporelle s’avère une réussite, le flic suivant le suspect à 4 jours et 6 heures de distance, un record dans le genre que seul Minority Report a déjà battu en prévenant les crimes.

Reste le thriller dont la narration foire avec une méticulosité remarquable, se refusant à accrocher ses spectateurs. Le récit simpliste abonde en explosions et autres effets pyrotechniques qui, s’ils sont à se planquer sous le fauteuil au dire d’un autre magazine [6] dissimulent mal l’indigence de l’intrigue policière et pas du tout la fréquente pauvreté des dialogues (en VF du moins...) auxquels s’ajoute une réalisation prétentieuse qui abuse des ralentis. Seules les images de La Nouvelle Orléans sont à garder et sans doute le jeu de Denzel Washington réellement touchant lorsqu’il contemple les images de la fille.

On peine donc à comprendre comment ces mêmes critiques ont pu voir en Déjà vu un divertissement qui s’acquitte de sa tâche avec « une aisance à la limite de l’insolence ». Loin de renouveler le genre du thriller grâce à la SF (ce qu’avaient réussi Passé virtuel ou Fréquence interdite ; ce dernier d’ailleurs sur un thème similaire d’enquête entre passé et présent et déjà avec Jim Caviezel), Tony Scott dévalorise l’un et l’autre des genres mais en passant prend quand même le temps de recycler son laïus sur les possibilités de l’espionnage technologique déjà évoquées dans Ennemi d’Etat (1998).

Alors n’en déplaise au producteur, nul n’est besoin de revoir son film pour mesurer la qualité du scénario [7].


[1Ciné Live, n°108, janvier 2007, p.40

[2p.43

[3Le Bureau of Alchohol, Tobbaco, Firearms and Explosives ou ATF est le service fédéral des États-Unis d’Amérique chargé de la mise en application de la loi sur les armes, les explosifs, le tabac et l’alcool et de la lutte contre leur trafic

[4risque certes limité puisqu’il sait ce qu’il a fait dans les quatre derniers jours..

[5Cinélive, p.45

[6Première, janv. 2007, p.36

[7Cinélive, p.45

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