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Cela se produira bientôt
samedi 21 juin 2008, par
Jean-Pierre ANDREVON (1937-)
France, 1971
Denoël, collection Présence du Futur, 240 pages.
Dans la foulée de son premier recueil, Aujourd’hui, demain et après, Andrevon publie chez Denoël une compilation de nouvelles qui s’articule en deux séquences. La première, « Ce qui vient du dehors », rassemble des textes qui déclinent des thèmes classiques de la SF, des œuvres plutôt sous influence, et qui ne sont pas nécessairement les plus personnelles. « Heureusement Ulla » traite de l’intrusion d’une entité extra terrestre dans les corps humains ; « A moi les étoiles ! » de l’utilisation par d’autres espèces galactiques des humains pour piloter des vaisseaux, non sans une ironie grinçante (du Lovecraft joyeux, en somme) ; « Le caillou de Mars » décrit une épidémie mystérieuse qui fait disparaître la moitié de l’humanité à partir d’un rocher ramené de Mars, l’agonie du personnage principal se faisant poignante. Le style d’Andrevon est ici plus marqué, tout comme dans « Impossible amour », ou le fossé de plus en plus profond qui se creuse entre un homme et son aimée, mutante en devenir. Enfin, « Observation des quadragnes » fait d’un couple un sujet d’expériences et d’expérimentations en laboratoire extra terrestre, non sans humour, une manière de relativiser la place de l’espèce humaine.
La seconde partie du livre, intitulée « Ce qui vient du dedans », se révèle plus ancrée dans la réalité politique de l’après 68. « Dans les mines de Mars » imagine ainsi l’utilisation, par le gouvernement des Etats-Unis, de supposées ressources martiennes en matières premières pour poursuivre plus encore la croissance industrielle ; cela permet également de faire travailler les chômeurs, nombreux depuis les fermetures d’usines d’armement, en réduisant leurs droits et en se débarrassant au passage des divers agitateurs syndicaux ou gauchistes ; la chute de la nouvelle révèle pleinement l’aspect autoritaire, voire fasciste, de l’entreprise, destinée à enrayer tout essor d’un mouvement populaire potentiellement révolutionnaire... « Halte à Broux », à travers la désertion de quelques soldats français dans un village isolé du sud de la France, et sur fond d’affrontement soviéto-étatsunien, dénonce surtout l’embrigadement militaire et son entreprise de décervellement, d’abrutissement. Sur un registre finalement assez proche, « Les fourmis », dans le même cadre d’un affrontement entre les blocs, décrit l’extermination des cent millions de prisonniers d’une armée chinoise battue par l’occident avec envoi de bombes atomiques, une manière d’éviter d’organiser la subsistance de tant de personnes ; l’individu qui se charge de cette mise à mort rentre tranquillement chez lui pour continuer sa vie paisible, simple rouage d’une machine sur laquelle il rejette toute responsabilité : une mise en accusation qui nous concerne quasiment tous, à des degrés divers.
Enfin, « ... Il revient au galop » sonne comme une anticipation, un prélude à ce qu’allait proposer « Le monde, enfin ». Notre société industrielle y est en effet soumise à une contre-offensive de la nature, par le biais de pluies incessantes et surtout du développement irrépressible d’une végétation conquérante et résistante, sur fond de chaos social. « (...) grève sauvages, assurément, refus désespéré, radical, et combien trop tardif d’une civilisation mécanisée dont on devait confusément sentir qu’elle avait elle-même ouvert la brèche par laquelle les éléments naturels brimés aujourd’hui se précipitaient. Et tandis que radio et télévision exhortaient au calme, au courage, à l’ordre, à la dignité, on tuait dans les rues inondées les patrons et les flics, on brisait les machines, on renversait les voitures, on s’acharnait sur les signes visibles d’un monde à changer, qui n’avait pas attendu la révolte des Hommes pour s’ouvrir lui-même le chemin du retour. » (p.230). Il s’agit en tout cas bien là d’un retour en arrière complet, comme le montre la présence d’un Tyrannosaure en conclusion. Mettons juste à part « Un Christ par hasard », étrange histoire de réincarnation de Jésus dans notre proche avenir, dans une ambiance angoissante, guerre et règne des milices