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L’affaire Jane Eyre

dimanche 1er décembre 2019, par von Bek

Jasper FFORDE (1961-)

Grande-Bretagne, 2001, The Eyre Affair

10/18, 2005, 408 p. (pour l’édition de poche)

Que l’appétence pour la littérature de la société dans laquelle vit Thursday Next ait nécessité la mise en place d’une division spécifique de police pour lutter contre la criminalité touchant aux livres n’est pas le plus invraisemblable de L’affaire Jane Eyre. Le nom de l’héroïne, que l’on pourrait traduire par Jeudi Prochain, ce dont les traducteurs se sont sagement abstenus, me semble encore plus invraisemblable, mais n’est même pas le summun de l’invraisemblance.Non. C’est à une véritable surenchère que s’est livré Jasper Fforde dans son roman.

Le monde qu’il invente baigne dans une civilisation où la technologie oscille entre le voyage en dirigeable et’ le voyage dans le temps quoique je ne sois pas sûr que ce la relève de la science puisque le père de Thursday est capable de figer le temps et voyage impunément d’une époque à l’autre ; un monde où la division de lutte contre les crimes littéraires n’est qu’une des trente divisions des Opérations spéciales (la n°27), certaines étant très secrètes ; un monde où si le nazisme et la guerre ont bien eut lieu, la Grande-Bretagne est toujours empêtré dans son intervention en Crimée contre la Russie tsariste pour le plus grand bénéfice des marchands d’armes de chez Goliath (il y a des choses qui franchissent les dimensions) ; un monde où Jane Eyre n’épouse pas Mr Rochester, à la différence de chez nous ; un monde où l’oncle farfelu de Thursday conçoit un moyen de s’immiscer dans les livres ce qui ne manque pas d’attiser la convoitise d’un génie du mal du nom d’Acheron Hadès, un nom qui aurait pu faire croire qu’il ne s’invente pas. Et Acheron de dérober le manuscrit original de Martin Chuzzlewit (Charles Dickens, 1844) afin d’exercer un chantage et, à titre de démonstration, d’en extraire Mr Quaverley. Un balle bien placée et plus de traces de Mr Quaverley dans le roman de Dickens. Vous pouvez me croire. J’ai vérifié. Quand Acheron Hadès kidnappe Jane Eyre, ce monde est au bord de la catastrophe.

La collusion en un seul livre d’autant de délires (et encore je vous épargne le clonage des dodos et la division OS 17 en charge des vampires et des loup-garous) pourrait faire penser à la crème pâtissière d’un gâteau : quand il y en a trop, l’indigestion vous guette. De délires à délices, il n’y a pourtant qu’une lettre de différences et j’ai dévoré en un week-end L’affaire Jane Eyre, y ayant rencontré une véritable Paidge Turner. Et délices et amours ne sont pas sans rapport : le récit de Jasper Fforde est très fleur bleue.

En fait, il appartient à ce genre typiquement anglais et complètement inimité, surtout en France, de ce que les éditions Presses Pocket avaient baptisé à une époque et faute de mieux la Light Fantasy, un genre qui doit puiser ses racines obscures dans l’inénarrable Trois hommes dans un bateau (Jerome K. Jerome, 1889), ou quelques autres œuvres demeurées inconnues de ce côté-ci de la Manche. Les amateurs de Terry Pratchett comprendront, les autres auraient peut-être intérêt à éviter L’affaire Jane Eyre.

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