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Conan, l’heure du dragon

dimanche 21 février 2021, par Maestro

Robert HOWARD (1906-1936)

Etats-Unis, 1934

Bragelonne, coll. « Les Intégrales », 2008, 480 p.

Patrice Louinet continue sa restitution des aventures de Conan « dans leur jus », c’est-à-dire telles que les avait rédigées Robert Howard. Si les nouvelles du premier volume marquaient progressivement le pas, sombrant dans une forme de répétition et d’exploitation commerciale, ce second volume compense sa quantité moindre par une qualité autrement plus conséquente. Deux nouvelles seulement sont au programme, et un roman, destiné à l’origine au marché britannique.

« Le peuple du cercle noir » reprend des éléments traditionnels des récits de Conan, mais orchestrés avec maestria. La sœur d’un roi mort du fait d’une malédiction cherche à assouvir sa vengeance à l’aide de Conan. Mais rien ne se passera comme prévu, Conan finissant par l’enlever. Il devra également affronter un magicien en rupture de ban, une confrérie de mages noirs et même… la mutinerie de ses propres hommes ! Haletant, « Le peuple du cercle noir » s’avère original du fait de ses influences nouvelles, l’Inde du nord-ouest et l’Afghanistan – on reconnaît là le terrain d’action d’un autre héros d’Howard, El Borak – ainsi que la secte des Assassins.

L’heure du dragon, unique roman de Conan signé d’Howard, nourrit des liens étroits, dans son début, avec « La citadelle écarlate ». Conan doit en effet défendre son trône menacé par une offensive du royaume voisin de Némédie. Subjugué par les maléfices d’un sorcier ramené d’outre-tombe par ses adversaires, il est vaincu, capturé et enfermé dans de ténébreux souterrains. Il s’en sortira grâce à l’aide d’une jeune femme tombée sous son charme viril, et entamera alors une quête pour recouvrir son pouvoir et dissiper celui du sorcier désireux de faire renaître la gloire de l’ancien empire d’Acheron. Robert Howard parvient à se sortir avec brio de l’épreuve de la longueur, tissant un roman bourré d’action, s’ouvrant et se clôturant par des batailles épiques, doté de plusieurs personnages marquants – la sorcière et ses mignons, représentante des forces de la nature qui assiste Conan, cette antithèse de la civilisation. Conan y voyage à travers une partie de l’Hyborée, jusqu’à la sombre Stygie, peuplée d’adeptes du culte du serpent. Au-delà pourtant de ce condensé de la légende Conan, ce qui rend ce roman particulièrement marquant, c’est le reflet à peine déformé que l’on distingue de son époque de rédaction, si troublée. Car le monde de Conan est en crise : certains royaumes sont en proie à la guerre civile, d’autres aux visées impérialistes de leurs voisins, et un mal revenu du fond des âges menace l’ensemble des zones civilisées (la réaction incarnée par le fascisme ?). Conan, qui est tiraillé un temps entre retrouver son trône, celui d’une monarchie éclairée et mesurée, ou endosser le rôle d’un empereur absolu, est en outre celui qui, par tolérance religieuse, épargne le mystérieux culte d’Asura, source de bien des rumeurs (un écho des Juifs ?). Troublant, assurément.

« Une sorcière viendra au monde » est plus synthétique que « Le peuple du cercle noir », mais particulièrement rythmé, riche là encore en personnages marquants. L’action se déroule dans le petit royaume de Khauran, dans lequel on reconnaît une projection de l’Asie centrale. Conan, bien avant de devenir le roi d’Aquilonie qu’on connaît, était le chef de la garde de la reine Tamaris. Celle-ci tombe sous l’emprise de sa sœur maudite, la sorcière Salomé, qui usurpe son trône. Eve contre Lilith. Crucifié, Conan parviendra à prendre la tête d’une bande de nomades et de transfuges de Khauran pour prendre sa revanche. Cette nouvelle se distingue tout particulièrement par sa narration à plusieurs degrés, suivant tantôt Conan, tantôt Salomé, tantôt Valerius, fidèle guerrier de Tamaris, tantôt encore un savant résidant en Khauran.

Ce second volume, franchement indispensable, est complété, comme le précédent, par plusieurs annexes. Si les synopsis et autres résumés des textes présentés ici sont tout à fait dispensables, il n’en est pas de même de l’histoire inachevée, que complète son synopsis complet. En effet, ce récit qui débute par des motifs classiques des histoires de Conan – la tour hantée, la cité des rêveurs – se centre initialement sur un compagnon du Cimmérien, Amalric, et ce n’est que plus tard que Conan fait son entrée en scène. Cette histoire voit Conan se frotter de près à la royauté, ici celle des royaumes noirs, et elle est d’autant plus intéressante qu’elle fut le second essai de roman écrit par Robert Howard, juste avant L’Heure du dragon, bien plus convaincant d’ailleurs. C’est ce qu’explique Patrice Louinet dans la passionnante suite de sa « Genèse hyborienne ».

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