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Dimension routes de légendes, légendes de la route
dimanche 27 mai 2018, par
Estelle FAYE (1978-) & Jérôme AKKOUCHE, dir.
France, 2017
Black Coat Press, coll. "Rivière blanche", série Fusée, 432 p.
C’est une idée fertile qu’Estelle Faye et Jérôme Akkouche ont exploré, soutenus par les éditions Rivière blanche : la route, dans ses incarnations mythiques, réelles ou imaginaires, et tout ce que cette thématique porte de métaphore sur la vie et son déroulé. Une vingtaine de nouvelles ont été retenues, écrites par des écrivains confirmés ou des auteurs encore peu connus.
« Regina viarum, via reginarum », de Fabien Clavel, s’aventure dans l’Antiquité romaine, contant le voyage d’un trio d’amis jalonné d’histoires que l’on partage, celles en particulier d’une mystérieuse femme les ayant rejoints. Il en est de même pour Jérôme Nédelec dans « Via daemonum », une histoire qui se développe avec patience et précision, un ingénieur romain chargé de préparer la construction d’une voie en plein cœur de l’Armorique se heurtant à une horreur proche de l’univers lovecraftien… Plus contemporain, « Le naufragé » de Nicolas Labarre se rapproche légèrement du Ballard de L’Île de béton, avec son réparateur coincé sur une autoroute anonyme : une fable qui est également une dénonciation d’un monde du travail impitoyable.
« Comme une pierre qui roule », d’Olivier Paquet, développe l’idée d’une route galactique, dont un rameau, apparue sur Terre, permet de se rendre sur une planète lointaine pour un temps limité. Il y a, dans cette séduisante intrigue, une réflexion sur l’art, sur sa finalité et sur le pouvoir qu’il porte potentiellement en lui, celui de servir de pont vers l’altérité extra-terrestre. Floriane Soulas, avec « Foudre », est tout autre : le cadre est post-apocalyptique, relativement classique, et la route devient ici l’axe permettant la rencontre entre un survivant et une mutante, plutôt originale au demeurant.
Autre auteur prometteur, Thibaut Lily, dont c’est le premier texte publié. « La traque de la bête-lumière » explore une thématique là aussi bien connue des amateurs de science-fiction, celle de la colonisation d’une exo-planète aboutissant à l’intégration du colonisateur dans l’écosystème local. Mais plus que l’extrémité de ce chemin initiatique, c’est le style et la richesse des néologismes employés qui suscite l’intérêt. A l’inverse, « Le protectorat des paumes », d’Oren Malldri, est un space opera un peu trop proche de préoccupations écologiques bien terrestres pour pleinement convaincre (à travers des baleines spatiales et la nécessité d’une vie en symbiose avec l’écosystème).
Le voyage nous conduit également entre les mythes, qu’ils soient chrétiens (« La route aux pavés rouges » d’Olivier Gechter, délicieusement cruel), aborigènes (« Yowie-Whowie » de Denis Labbé, classique mais agréable), kanak (« Rouge » de Rozenn Illianoa, un peu bref), inuit (le dépaysant « Des fleurs de givre sur la Dalton Highway » de Eléa Daniels, situé en Alaska) ou japonaise (« Bras de fer », conte fantastique de Tookuni). On le voit, le tableau est extrêmement diversifié, bigarré, au risque de perdre en cohérence interne. Le point culminant de l’anthologie est atteint dans « L’élargissement consensuel du paradigme », de François Fierobe, condensation intense de la mythologie routière dans un cadre archétypal, celui des Etats-Unis.
A l’inverse, « Le baiser du bitume », signé Olivier Parisot, ne prend appui sur la route que pour délivrer un brûlot trash à la chute glauque, « Guyana » est un récit de pirates où la route liquide est quasiment invisible, et « Vieux Charles », de Gaëtan Monot, ne possède aucun élément propre aux littératures de l’imaginaire dans son évocation du pilote Guynemer, découvrant l’enfer du champ de bataille du haut de son paradis aérien. « Chanvatey », de Tepthida Hay, n’entretient également qu’un lien fort ténu avec la route, mais son évocation du génocide khmer rouge par le biais des chansons et du fantastique est d’une poignante sensibilité. Quant à Timothée Rey, il signe avec « T.I.R. » un texte inclassable, déjanté et d’une inventivité lexicale assez étourdissante, une traversée virile à travers les contes et la culture populaire. En dépit de quelques nouvelles plus faibles, Dimension Routes de légendes, légendes de la route est une anthologie riche et roborative.
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