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Oliver Page & les tueurs de temps
dimanche 12 avril 2020, par
DESSIN : GRIFFO (1949-)
SCENARIO : Stephen DESBERG (1954-)
Belgique, 2020
Glénat, 2020, 2 vol.
Au XXVIème siècle, dans une grande métropole délabrée et abandonnée, un homme et une femme en armes poursuivent un prédateur, mais l’homme tombe dans une embuscade montée par un autre monstre qui prend son contrôle. Désemparée, sa compagne le suit jusqu’à un site étrange où l’homme, assis sur un trône, disparaît. En 1874, en Perse, menant pour le compte d’un lord anglais resté confortablement installé à Téhéran, Oliver Page, jeune homme frustré de ne pouvoir exploiter pleinement ses talents faute de condition sociale, découvre un tombeau avec la jeune et belle archéologue dont il est épris. Bafouant l’interdit de son patron de pénétrer dans le sépulcre avant lui, Page y découvre une main et trois anneaux, un mystérieux trône et un tombeau que le lord fait ouvrir le lendemain. Sans le savoir, les explorateurs ont libéré un monstre qui les accompagne jusque Londres et commence à frapper des victimes aléatoires avant de s’en prendre à Oliver Page à cause des anneaux qu’il a dérobés. S’il croît un temps être parvenu à s’en être débarrassé, Page se pose beaucoup de question et finit par s’asseoir sur le trône qui le transporte en 2019 pour y découvrir que la femme qu’il aime en a épousé un autre et qu’il a été trouvé mort en même temps qu’une femme étrangement vêtue, victimes d’un monstre qui sévit toujours. Revenu en 1875, Oliver Page est bien décidé à comprendre.
Nouvelle étape dans la fructueuse collaboration entre le dessinateur Griffo et le scénariste Stephen Desberg, commencée en 2011 et entretenue par de multiples projets dont la relance de la série S.O.S. Bonheur, Oliver Page & les tueurs de temps est donc une histoire de voyage temporel, mais contient aussi des éléments évoquant L’invasion des profanateurs et d’autres qui ressortent des histoires de malédiction.
Comme histoire temporel, elle joue habilement des paradoxes, amenant son héros à se voir mourir ou à se voir mort plusieurs fois en alternance avec ses trois voyages dans ce qui est, à peu près, notre présent (2019, 2020 et 202) ou encore se croise dans une ruelle. En bon voyageur temporel, il vend au XXIème siècle des peintures achetées quelques sous en 1875. Bien que tous les paradoxes ne soient pas parfaitement maîtrisés - on adoptera ici le point de vue de Tony Stark sur les voyages temporels promu dans Avengers Endagme -, les auteurs ont su utiliser les différents codes du genre et on les retrouve avec plaisir, même s’il y a une certaine frustration quant à l’absence d’explication qui demeure au sujet de l’origine de la machine à voyager dans le temps, machine vers laquelle la créature se dirige sans faillir au début de l’histoire.
Cette créature, dont la répugnance est bien servie par le trait de Griffo, n’a d’ailleurs pas plus d’origine que la machine et on ne connaît pas ses objectifs. Le monstre évoque bien évidemment le livre de Finney déjà cité, ou encore, dans un registre un peu différent, Marionnettes humaines de Robert Heinlein. Cependant, l’œuvre emprunte aussi à un thème horrifique plus commun à son cadre historique qui est celui des malédictions. Grande époque de développement de l’archéologie, le XIXème siècle s’est prêté facilement à la conjugaison entre les mystères plurimillénaires et l’occultisme qui baigne encore beaucoup ce siècle pourtant très scientiste.
Au final, on ne peut que regretter que l’œuvre soit un peu, mais un peu seulement, victime de son scénario ambitieux. Tandis que l’histoire de voyage dans le temps pose plein de questions de logique, Oliver Page est contenu dans un univers bien plus vaste que ses créateurs n’ont hélas pas finement ciselé. Il n’est pas jusqu’au titre qui ne génère quelques questions : on ne voit pas qui sont les tueurs de temps ! Comme toute bonne histoire Oliver Page et les tueurs de temps suscite son lot de frustration, mais ce diptyque se lit et se relira avec plaisir.