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La nuit des tuileries
samedi 19 janvier 2013, par
DESSIN : Florent CALVEZ (1975-)
SCENARIO : Fred DUVAL (1965-), Jean-Pierre PECAU, Fred BLANCHARD (1966-)
Couleurs : Florent CALVEZ
France, 2012
Delcourt, coll. "Néopolis - série B", 66 p
A l’instar du septième tome de la série, Vive l’empereur !, La Nuit des Tuileries va chercher en amont du XXe siècle son point de divergence. Pour la première fois -et heureusement pas la dernière, au vu des tomes 12 et 13 déjà annoncés-, l’action se déroule même hors du court XXe siècle, en pleine Révolution française. Tout bascule en juin 1791, lorsque les Parisiens envahissent le palais des Tuileries pour s’en prendre au roi. Afin de sauver la famille royale, Fersen a imaginé de les faire s’enfuir vers la frontière grâce à une montgolfière. Louis XVI est toutefois atteint par une balle lors de l’opération, et à l’issue du voyage, c’est le Dauphin qui est proclamé nouveau souverain. Ayant obtenu l’aide des souverains étrangers, Marie-Antoinette, devenue régente, supervise l’invasion de la France. Elle est solidement épaulée par un jeune et brillant général, Bonaparte. Mais tandis qu’à Paris, la révolution semble prisonnière d’une spirale infernale d’autodestruction menée par Robespierre, Danton s’efforçant de lutter contre le pire à l’aide de Vidocq, dans l’ombre, les frères de Louis XVI s’agitent afin d’accéder au trône d’un royaume rétabli.
Côté rythme, La Nuit des Tuileries est une belle réussite, servi par des moments graphiques particulièrement séduisants : magnifique idée visuelle que cette montgolfière, mais on peut également citer ce beau jeu d’ombre page 23 sur l’image de la guillotine. Scénaristiquement, par contre, les choses sont à la fois convenues et insuffisamment approfondies. Plusieurs éléments souffrent en effet de silences dommageables : quid par exemple de cet assaut anticipé sur les Tuileries, sans même qu’une fuite du roi ait précédemment échoué ? Quel a été l’itinéraire exact de ce Bonaparte alternatif, pour qu’il choisisse de se rallier corps (sic) et âme à la monarchie ? Surtout, on sent tout au long de l’intrigue une réticence certaine vis-à-vis des révolutionnaires, Montagnards et sans-culottes spécialement. Sans allusion ou réflexion sur la dimension socio-économique des choses, les masses du début sont présentées comme extrêmement féroces, sanguinaires. La figure de Robespierre fait une fois de plus office de repoussoir commode (secondé par un Anacharsis Cloots qui n’en demandait pas tant), face à un Danton jugé plus humain (au risque d’ailleurs de contresens, ainsi lorsqu’il condamne un avatar des massacres de septembre, alors que le Danton historique s’en était accommodé dans l’objectif de la victoire).
On est là davantage dans la mythologie que dans l’histoire, et il est d’ailleurs regrettable que les auteurs n’aient pas fait figurer quelques indications bibliographiques à la fin de l’album, comme ils l’avaient parfois fait dans le passé. Certes, les royalistes ne sont pas épargnés non plus, mais entre les politiques respectives de massacres des deux camps, la balance penche clairement du côté des révolutionnaires. La conclusion pourrait finalement être celle d’un pacifisme naïf, estimant que révolution et guerre civile sont finalement de bien vilaines options. On en retiendra surtout le plaisir de jouer avec l’histoire et certains de ses plus célèbres personnages.