Accueil > BDSF > Jour J > Le Dernier mousquetaire (1ère partie)
Le Dernier mousquetaire (1ère partie)
dimanche 20 octobre 2019, par
DESSINS : Vladimir ALEKSIC
SCENARIO : Fred DUVAL, Jean-Pierre PECAU
Couleurs : Sayago NURIA
France, 2019
Delcourt, coll. "Néopolis", 58 p.*
Innovation notable pour ce premier volet d’un nouveau diptyque, la série Jour J se confronte au XVIIe siècle, elle qui jusque-là n’avait touché qu’au XVIe (Le Lion d’Egypte, guère éloigné de l’excellent Colomb Pacha) et au XVIIIe (La Nuit des Tuileries, Les Fantômes d’Hispaniola, tournant tous deux autour de la Révolution française).
Tout débute en 1651, en France, en pleine Fronde des princes. Mazarin a été exilé dans l’électorat de Cologne, et la famille royale part se réfugier à Poitiers. Mais à l’occasion d’une halte en auberge, la régente et le jeune Louis sont assassinés. Ne reste donc, comme Bourbon survivant, que le cadet de la fratrie… Le cœur de l’intrigue se situe toutefois vingt ans plus tard (sic, lorsque l’on sait qu’un des personnages principaux n’est autre que d’Artagnan !), dans un royaume de France transfiguré.
Après l’intervention du royaume d’Espagne au côté des princes frondeurs, en effet, le jeune souverain français a été contraint de signer une paix infamante, restreignant sa souveraineté à l’ancien domaine royal des premiers Capétiens. Le reste du territoire était partagé entre l’Espagne et les divers seigneurs rebelles, dont Condé, qui de concert avec la couronne ibérique, se mit à persécuter les protestants. Un nouveau siège de La Rochelle, devenu refuge des huguenots, fut d’ailleurs organisé, entraînant l’intervention des troupes de Cromwell et l’exfiltration des protestants français. Une véritable guerre de dimension européenne, donc, qui constitue une des meilleures idées de cet album.
L’autre point fort de l’histoire, c’est le grand nombre de célébrités qui y figurent, à commencer par d’Artagnan, bien sûr. Toujours bon pied bon œil, ce dernier doit se rendre chez Fouquet, gouverneur de Belle-Île, afin de lui transmettre les dernières volontés de Mazarin. Mais au fil des pages, on croise également Vatel, Lorraine l’amant de Philippe d’Orléans, Vauban, le corsaire Jean Bart, Mancini neveu de Mazarin… sans oublier quelques autres mousquetaires.
Sans préjuger de la suite et du dénouement des enjeux ici exposés, reconnaissons dans Le Dernier mousquetaire un excellent album, développant des considérations religieuses (belle tentative d’assassinat de Philippe d’Orléans par des fanatiques catholiques, en un écho de celle qui mit fin aux jours d’Henri III) et géopolitiques fort savoureuses. Tandis que la monarchie espagnole de Charles II « l’ensorcelé » rêve d’une conquête totale de la France, les derniers défenseurs d’un Etat français digne de ce nom, ses plus fervents serviteurs, en somme, songent à une alliance renversante pouvant ouvrir sur un retournement total de situation.
Certes, dans ce tableau d’un XVIIe alternatif, le peuple est cruellement absent, sinon par la présence de divers malandrins, et il en est d’ailleurs même du monde colonial, mais l’inventivité du scénario et la qualité du casting valent clairement le détour !