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Origines (Quan Tika, 3)

samedi 18 juillet 2015, par Maestro

Laurence SUHNER (1968-)

Suisse, 2015

L’Atalante, coll. « La Dentelle du Cygne », 240 p.

Après Vestiges et L’Ouvreur des chemins, voici donc l’ultime volet de cet ambitieux space opéra concocté par l’écrivaine suisse Laurence Suhner, un volume préfacé par rien moins que Christopher Priest ! Et d’emblée, le lecteur est confronté à un nouveau basculement écosystémique, car Gemma, la planète glaciaire, a désormais été purement et simplement annihilée par la redoutable Entité, maîtresse de la matière. Après un court prélude, l’action prend place à l’intérieur du Grand Arc, cet énigmatique artéfact extra-terrestre qui était jusque-là demeuré inaccessible. Grâce à Tokalinan, les survivants humains ont pénétré en son cœur, y découvrant un véritable monde tropical, baigné par un océan apparemment sans limites…

La première moitié du livre, qui voit les humains guidés vers la mystérieuse Conque du sud, est l’occasion de se plonger plus avant dans la psyché de chaque personnage : Tokalinan, qui semble vouloir à toute force sauvegarder l’essence de son espèce ; Ambre, qui est parvenue à tisser un lien fort et empathique avec lui, en plus de se réconcilier avec un passé douloureux, passé présentant des similitudes avec celui des Timhkans ; Haziel, qui nourrit une forte rancœur à l’égard de l’extra-terrestre ; le débonnaire Stanislas et la bienveillante Maya, qui semblent faits pour s’entendre ; Fred et Pietro, scientifiques quelque peu égarés, dépassés ; Léna, visiblement habitée par quelque chose qu’elle ne maîtrise pas, et Kya, réfugiée au plus profond de son inconscient. Mais les perspectives deviennent progressivement planétaires, et même cosmiques, l’intrigue se déplaçant sur la planète d’origine des Timhkans, avec comme objectif commun la défaite du Destructeur…

L’action connaît dès lors une forme d’accélération, devenant plus trépidante et prenante. A travers la cohabitation plus ou moins facile entre humains et Timhkans, Laurence Suhner semble vouloir opposer une espèce grégaire, attaché au collectif et à l’ancrage naturel, une forme de simplicité et de sobriété, et l’humanité, excessivement individualiste et qui se dissimule derrière ses objets, ses inventions, sa technologie. Toutefois, cette dichotomie n’est qu’un premier niveau de sensibilité : en réalité, c’est une forme de complémentarité, matérialisée par la symbiose finale, qui est souhaitable, un compromis entre l’individualisme des sentiments, porteur de destruction comme de création, et la force du collectif, générateur de davantage d’empathie et d’une noosphère, dont Internet et les cablages sociaux sont, pour l’auteure, les prémisses, les promesses (le Destructeur n’est d’ailleurs, somme toute, qu’une forme de Singularité charnelle).

On peut même parler de réconciliation entre science et mythe, lectures scientifique et poétique du monde, une tendance déjà entraperçue dans les volumes précédents ; loin de toute civilisation industrielle, les Timhkans incarnent en effet une sorte de compromis idéal entre état de nature, préservation de l’environnement et exploration spatiale, les artéfacts utilisés étant ici produits biologiques et non technologiques. Cette réconciliation c’est aussi celle d’Ambre / Kantika avec son passé et elle-même. « Au final, l’univers semblait résister à tout effort d’analyse objective. Comme si seule la poésie parvenait à en sublimer l’essence, la beauté inhérente et les mystères qui en résultaient. L’émerveillement, l’élan de curiosité qu’il provoquait chez les créatures nées en son sein, voilà ce qui subsistait au-delà de tout, au bout du compte. Peut-être ne fallait-il pas chercher à le décrire de quelque manière que ce soit. Peut-être l’indicible devait-il demeurer indicible. Ambre était prête à suivre un autre chemin. Un chemin où le ressenti prenait le pas sur la réflexion. » (p.537)

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