Accueil > BDSF > Comics & BD américaine > DC Comics > La Mort de Superman
Un été plutôt comics...
La Mort de Superman
dimanche 22 juillet 2018, par
DESSINS : Dan JURGENS (1959-), Jon BOGDANOVE (1958-), Tom GRUMMETT (1959-), Brett BREEDING (1961-) & Rick BURCHETT (1952-)
SCENARIO : Dan JURGENS (1959-), Louise SIMONSON (1946-), Roger STERN (1950-), Jerry ORDWAY (1957-) & Karl KESEL (1959-)
Etats-Unis, 1992-1993
Urban Comics, 2 vol., 2013, 528 p. et 576 p.
Au début des années 1990, les chiffres des ventes des comics mettant en scène Superman ne se portaient pas vraiment bien. Le souffle procuré par la reprise du héros en 1986 par John Byrne, d’abord avec la mini-série Man of Steel, s’est éteint. C’est un paradoxe, car l’époque voit aussi le kryptonien connaître un certain succès télévisuel via la série romantique Loïs & Clark, succès qui devait se prolonger dans Smallville [1], une autre série. Alors que se profile le 500e numéro du périodique Adventures of Superman, les équipes chargées des différentes publications dans lesquelles figurent l’homme d’acier se demandent sur quel pied danser et s’alignent plus ou moins sur la télé, préparant le mariage de Loïs Lane et Clark Kent. Jusqu’à ce qu’au cours d’une réunion, quelqu’un propose de tuer le super-héros. C’est du moins ainsi que le racontent les annexes de cette réédition de La Mort de Superman. L’idée s’appuie sur un raisonnement que seulement quelqu’un ne séparant pas la réalité du monde imaginaire trouverait logique : si les gens ne lisent plus Superman, c’est qu’ils n’ont plus besoin de lui (c’est logique, ça ?). S’ils n’ont plus besoin de lui, alors pourquoi ne pas le tuer ? Que serait un monde sans Superman ? Médiatisée, l’idée a paraît-il fait du bruit sur toute la planète. Dans le microcosme DC, elle a donné naissance à ce qui a sans doute été le plus gros crossover depuis Crisis on Infinite Earths.
Jugez-en. Les aventures de Superman paraissent alors dans quatre périodiques (Superman Man of Steel, Superman, Adventures of Superman et Action Comics) sans compter le recueil annuel (Superman Annual) et les apparitions de l’homme d’acier dans les autres périodiques du groupe tels que Justice League America. Tuer Superman requérait donc de le faire disparaître de tous. C’est à partir de ce concept que les différentes équipes (cf les noms dans les tableaux ci-dessous) se sont engagés dans une histoire qui dura de décembre 1992 à novembre 1993, chevauchant les quatre publications de référence, plus quelques numéros de Justice League America et un numéro de Green Lantern, soit un total de 40 magazines dont un numéro double et sans compter le one-shot Legacy of Superman. Si l’on ne peut que rester admiratif devant le travail de coordination, la discipline et l’esprit d’équipe que le projet nécessitait, il est aussi très difficile de ne pas relever le caractère commercial de l’opération qui allait rendre nécessaire, pour suivre l’histoire, d’acheter jusqu’à cinq comics par mois (soit environ 7,5 $). Le résultat est-il à la hauteur de son prix ? Pour en juger, il suffit de lire les deux volumes, édités par Urban Comics, réunissant pour la première fois en France [2]l’ensemble de la saga.
Le récit est découpé en trois parties inégales, dont le premier volume, Un Monde sans Superman, réunit les deux premières. Dans Doomsday, on y voit les héros de Justice League confrontés à un monstre sorti de terre (dans les numéros précédents, à raison d’une page par numéro afin de préparer le lectorat au grand événement), qui tue tout sur son passage. En l’absence de toute explication quant aux origines du monstre – et aucune n’est donnée -, il faut prendre la chose comme elle vient, brutalement, en dépit de son côté artificiel. Superman ne parvient à arrêter Doomsday qu’au prix de sa vie dans un combat titanesque. Commence alors la deuxième partie, Un Monde sans Superman, qui voit, outre les lamentations des proches à commencer par celles de Lois Lane et des parents Kent, enterrer Superman et sa dépouille devenir l’enjeu d’une lutte à des fins de recherches scientifiques ou simplement pour empêcher un éventuel retour [3].
Superman mort, cela crée un vide et, la nature et les éditeurs ayant horreur du vide, par quoi sera-t-il remplacé ? Chez DC, dans Le Règne des supermen, 3e partie, chacun y va de son idée et tandis que Karl Kesel et Tom Grummett mettent en scène un clone adolescent donc immature dans Action Comics, Dan Jurgens propose un Superman cyborg dans Superman et Roger Stern et Jackson Guice font surgir un superman qui ne s’embarrasse guère d’épargner les vies des criminels. Enfin, Louise Simonson et Jon Bogdanove introduisent, dans Superman Man of Steel, justement L’Homme d’Acier, un ancien ingénieur en armement repenti, qui utilise ses connaissances techniques pour se construire une armure et un personnage inspiré par celui de John Henry, le cheminot du folklore américain. A noter ce dernier se verra honoré de sa propre série et même d’une adaptation cinéma avec Shaquille O’Neal dans le rôle principal. L’important est, qu’à la différence de Doomsday, les origines de ces quatre personnages, que leurs personnalités opposent, sont dévoilées à différents moments, et jouent même un rôle important dans l’intrigue. Bien évidemment, tout cela ne sert qu’à faire durer le plaisir avant le retour de Superman, qui n’est pas vraiment mort, au grand desarroi de certains lecteurs qui auraient crié à l’escroquerie semble-t-il.
Alors tout rentré dans l’ordre, quelle portée donner à cette histoire ? Pour l’univers DC, les conséquences sont très inégales. Paradoxalement, c’est pour Green Lantern qu’elles sont les plus importantes. Superman, pour sa part, y voit confirmer sa mortalité et y gagne une nouvelle coupe de cheveux déjà has-been, mais ni l’arc narratif de Supergirl, très présente, qui entretient une relation avec Lex Luthor Jr, ni ceux des autres super-héros ne progressent vraiment. Le lectorat ne sera d’ailleurs pas dupe et, passé la saga, le chiffre des ventes retombe comme un soufflé.
A un quart de siècle de distance, on n’apprécie le récit, sans que pour autant il ne justifie les deux fois 35 €, que si l’on aime les dessins très classiques pour des comics, à des années-lumières de ce que des dessinateurs comme Jim Lee font alors chez Marvel ou même de l’audace déployée par un Frank Miller pour Batman ! Graphiquement, La Mort de Superman est très proche de ce que faisait déjà John Byrne dans Man of Steel en... 1986. Pour moi, c’est une qualité, mais je doute que cela fasse encore l’unanimité et de loin.
Dates | Superman : The Man of Steel | Justice League America | Superman | Adventures of Superman | Action Comics |
---|---|---|---|---|---|
Scénarios de Louise Simonson et dessins de Jon Bogdanov | Scénarios et dessins de Dan Jurgens | Scénarios de Jerry Ordway et dessins de Tom Grummett | Scénarios de Roger Stern et dessins de Jackson Guice | ||
Décembre 1992 | Doomsday, chapitre 1 (#18) | Doomsday, chapitre 2 (#69) | Doomsday, chapitre 3 (#74) | Doomsday, chapitre 4 (#497) | Doomsday, chapitre 5 (#684) |
Janvier 1993 | Doomsday, chapitre 6 (#19) | Doomsday, conclusion (#75) | |||
Un monde sans Superman, prologue (#70) | Un monde sans Superman, chapitre 1 (#498) | Un monde sans Superman, chapitre 2 (#685) | |||
Février 1993 | Un monde sans Superman, chapitre 3 (#20) | Un monde sans Superman, chapitre 4 (#76) | Un monde sans Superman, chapitre 5 (#499) | Un monde sans Superman, chapitre 6 (#686) | |
Mars 1993 | The Legacy of Superman Scénario : Karl Kesel, Roger Stern, Jerry Ordway, William Messner-Loebs & Dan Jurgens Dessins : Walter Simonson, Denis Rodier, Dennis Janke, Curt Swan, Dan Jurgens & Trevor Scott | ||||
Mars 1993 | Un monde sans Superman, chapitre 6 (#21) | Un monde sans Superman, chapitre 8 (#77) | |||
Juin 1993 | Un monde sans Superman, conclusion (#500, numéro double) |
Dates | Superman : The Man of Steel | Green Lantern | Superman | Adventures of Superman | Action Comics |
---|---|---|---|---|---|
Scénarios de Louise Simonson et dessins de Jon Bogdanove | Scénarios de Gerard Jones et dessins de M. D. Bright | Scénarios et dessins de Dan Jurgens | Scénarios de Roger Stern et dessins de Jackson Guice | Scénarios de Karl Kesel et dessins de Tom Grummett | |
Juin 1993 | Chapitre 1 (n°687) | ||||
Chapitre 2 (#22) | Chapitre 3 (#78) | Chapitre 4 (#501) | |||
Juillet 1993 | Chapitre 5 (#688) | ||||
Chapitre 6 (#23) | Chapitre 7 (#79) | Chapitre 8 (#502) | Chapitre 9 (#689) | ||
Août 1993 | Chapitre 10 (#24) | Chapitre 11 (#80) | Chapitre 12 (#503) | Chapitre 13 (#690) | |
Septembre 1993 | Chapitre 14 (#25) | Chapitre 15 (#81) | Chapitre 16 (#504) | Chapitre 17 (#691) | |
Octobre 1993 | Chapitre 18 (#26) | Chapitre 19 (#46) | Conclusion (#82) | Epilogue 1 (#505) | Epilogue 2 (#692) |
Novembre 1993 | Epilogue 3 (#83) |
[1] Un soap pour adolescents selon L’Ecran fantastique n°399, juillet-août 2019, p.17...
[2] De fait La Mort de Superman édité par Panini en 2007 en un volume relève du mensonge éditorial, car prétendant présenter l’intégralité de l’histoire, l’éditeur a en fait copieusement élagué la deuxième partie du récit (Un Monde sans Superman) et quelques autres passages soit en ne publiant carrément pas certains numéros (c’est notamment le cas de Justice League America #70, de Adventures of Superman #499 et #505, d’Action Comics #686 et Superman #83) dont le spécial Legacy of Superman, soit en supprimant un nombre plus ou moins importants de planches dans d’autres (Adventures of Superman #498, Action Comics #685 et #692, Man of Steel #20 et #21, de Superman #76 et #77, Green Lantern #46) y compris, sacrilège suprême, Adventures of Superman 500 !
[3] C’est la partie la plus caviardée par Panini en 2007.