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Le rapport Oberlander

dimanche 12 avril 2020, par Maestro

Laurent MANTESE (1976-)

France, 2018

Malpertuis, coll. « Brouillards », 350 pages.

J’ai découvert Laurent Mantese, valeur sûre du fantastique français contemporain, avec La Mort de Paul Asseman, roman profondément immersif que j’avais chroniqué pour Galaxies et qui m’avait enthousiasmé. De prime abord, Le Rapport Oberlander explore des thématiques plus traditionnelles, en particulier le lien entre nazisme et occultisme.

Après un prélude situé en pleine Seconde Guerre mondiale, le gros du livre se centre sur Marcus Baker, un Britannique, jeune quadragénaire et détective privé. Recevant d’étranges documents concernant sa filiation, il découvre, suite à un voyage au cœur de la Finlande, qu’il est en réalité un enfant adopté, issu de l’union du couple découvert au début du roman. Appartenant à une organisation secrète, le Directoire, il se retrouve ainsi plongé dans une lutte séculaire qui oppose cette dernière à la Prévôté. C’est en Ukraine que Marcus va pouvoir sans doute affronter Oberlander, ancien SS devenu l’agent humain le plus important de la Prévôté, et probable responsable de la mort de ses parents…

Incontestablement, le récit de Laurent Mantese s’avère prenant, mettant en scène des personnages très humains, très loin des poncifs super-héroïques, à commencer par Marcus, courageux mais abîmé par la vie, qui n’aurait rêvé qu’une d’une existence simple avec sa fiancée Mary. Même le Directoire se compose d’individus soit vieillissants, soit marginaux. Autre élément captivant, la fameuse Prévôté, émanation d’entités souterraines qui peuvent évoquer certaines horreurs lovecraftiennes, usant d’humains transformés (grâce au gène de longévité) en guise d’intermédiaires avec le reste de l’humanité. Autre topique lovecraftienne, l’insignifiance de la vie humaine face à des entités qui la dépassent. L’essentiel de cette composante fantastique demeure dans l’ombre la plus grande partie du roman, ce qui contribue largement à l’effroi qu’elle peut ainsi distiller.

Enfin, Laurent Mantese place la seconde moitié de son intrigue dans une Ukraine en proie au conflit séparatiste avec la Russie, profitant du parallèle possible entre l’idéologie raciale des nazis et les tendances fascistes incontestables de certaines des composantes de ce conflit identitaire. Les moments durant lesquels Marcus est plongé dans la violence du conflit s’avèrent particulièrement réalistes, se rapprochant quasiment de témoignages du type de Jusqu’à Raqqa, pour un cadre géographique différent. Est-ce également un hasard, si la citadelle du seigneur Oberlander évoque, dans la mémoire des plus cinéphiles, ce classique de l’horreur historique qu’est La Forteresse noire de Michael Mann ?

Très sombre, presque nihiliste parfois, Le Rapport Oberlander nous rappelle que dans les terres de la fiction aussi, le fascisme (au sens large du terme, tel que le présente Ugo Palheta dans La Possibilité du fascisme) n’est toujours pas mort, et qu’il bénéficie même d’un contexte favorable à son retour.

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